Trébucher, chuter, se retrouver à terre… Mais trouver en soi des forces pour se relever, se réinventer et repartir plus forte. Tel un phénix.
C’est cette résilience et cette pugnacité qu’a récompensée jeudi soir à l’opéra de Nice la première édition des Trophées #Femme du Rebond de la Ville de Nice. À l’origine de cette initiative, l’avocate Marielle Walicki du cabinet WABG Associés et présidente fondatrice de la délégation des Femmes Chefs d’Entreprises Nice, et Anne Aubert-Larmoyer, actuelle présidente de l’association, qui ont à cœur de mettre le sexe dit « faible » en valeur.
Ce qu’elles font déjà depuis quatre ans avec le Trophée des Femmes dirigeantes « mais il s’adresse aux cheffes d’entreprise qui connaissent une forte croissance, précise Marielle Walicki. On a eu envie de le transposer à des femmes qui ont connu un accident de la vie, qu’il s’agisse d’un problème de santé, d’un décès, d’une liquidation judiciaire… et qui ont eu la force et la détermination de rebondir », insiste l’avocate qui connaît bien le sujet pour avoir créé il y a un an le Portail des Entreprises en difficulté. « Quand on est au fond du trou, il est plus facile parfois de baisser les bras. Il faut être capable de mobiliser l’énergie de se réinventer. Cela ne veut pas forcément dire que leur entreprise est florissante, cela n’entre pas dans nos critères de sélection mais juste qu’elles ont rebondi. C’est plus gratifiant de se relever dans ces conditions que quand on a un plan de financement et des banques qui vous suivent. Tous les dossiers de candidature que nous avons reçus nous ont touchées et émues. »
Inspirants
« Ces trophées se veulent exemplaires et inspirants, renchérit Anne Aubert-Larmoyer, pour encourager les femmes qui souffrent du syndrome de l’imposteur à se lancer dans l’entrepreneuriat, leur montrer qu’elles en sont capables, qu’elles doivent participer à l’économie. »
Quel plus bel exemple que celui de Julie Meunier, la dirigeante des Franjynes, qui est montée sur scène pour parler de son parcours. La jeune femme qui a souffert d’un cancer a transformé l’adversité en opportunité. Elle s’est lancée dans l’entrepreneuriat avec ses prothèses capillaires partielles parce qu’elle ne trouvait pas de turbans, bonnets ou foulards stylés pour cacher son alopécie.
Un phénix comme les six lauréates distinguées lors de ces Trophées #Femme du Rebond.
L’historienne du pain
Un exil, une séparation, la Covid et… le trophée coup de coeur du jury. Domenika Zielinska a quitté Varsovie un doctorat d’histoire en poche pour s’installer à Nice: « Un rêve de petite fille qui a grandi dans une époque communiste ».
Elle fait des petits boulots – « Le parcours classique d’une immigrée » mais n’oublie pas son idée de fabriquer du pain bio au levain avec des blés anciens. Elle commence chez elle et le vend aux restaurants bio. Séparée de son mari, elle prend ensuite un petit laboratoire qui attire une clientèle de professionnels et de particuliers « mais la Covid arrive quelques mois plus tard et je perds tous mes clients ».
Qu’importe. Elle recommence dans le Vieux-Nice en 2022 avec Le Fournil de Zielinska où elle vend notamment un pain d’exception au blé noir « cultivé spécialement pour moi » et propose des brunchs dont raffolent les gourmands. A raison puisque l’établissement de Domenika a été élu Meilleure Boulangerie de France sur M6 en 2022.
Du juridique au bien-être
Trois burn-outs en dix ans et un AVC en mars 2023, c’en est trop. Barbara Ghighi qui a créé AJFR, un centre de formation aux métiers de l’assistanat juridique décide de changer de vie. La nouvelle se fera loin du droit…
Enfin pas tant que ça car cette ancienne secrétaire juridique ouvre rue Gioffreo à Nice B.Happy, un institut de massage dédié principalement aux avocats « car je sais combien cette profession est dure ». Joli symbole, son entreprise ouvre officiellement ses portes le 8 mars, jour des droits de la femme, et Barbara Ghighi qui décroche le trophée Santé-Bien-Etre veut consacrer une journée par mois aux petits portefeuilles « pour donner la chance aux personnes qui n’ont pas les moyens d’avoir accès au massage ».
Parce qu’elle le vaut bien
Le parcours de Créscence Abougou qui se voit décerner le prix du Commerce est un peu celui de « seule contre tous ».
Informaticienne, la jeune femme quitte en 2008 son emploi chez L’Oréal à Lyon pour rejoindre à Nice celui qui deviendra le père de ses enfants. Crise des subprimes, elle ne retrouve pas d’emploi et, femme au foyer, décide de se lancer dans les extensions capillaires. La Centrale capillaire naît en 2014. Non seulement son activité ne décolle pas mais elle divorce et se retrouve à la rue avec ses deux bambins. Pendant un an, elle vit en hébergement d’urgence et tient tête à tous ceux qui lui conseillent de reprendre un poste de salarié.
A force d’économies, Créscence qui survit au RSA prend un local à Nice où elle vend des perruques. Malgré la Covid, elle tient le cap mais las, sa propriétaire ne lui renouvelle pas son bail. Finalement, elle trouve un nouvel emplacement dans le Carré d’or où, faute de moyens, elle réalise la majorité des travaux.
Sa persévérance paye enfin. Aujourd’hui, sa Centrale capillaire qui s’adresse aux BtoB et BtoC réalise 300k€ de chiffre d’affaires, vise les 500 k€ cette année et prévoit de recruter deux collaborateurs. « Ça fait dix ans que je me bats », rappelle-t-elle.
S’ancrer en vert
Une forte dyslexie, un début de polyo, un contexte familial compliqué, Christine Petitpas n’a pas eu une enfance facile. Mais la dirigeante de Cartouche Vide (récupération de cartouches d’encre vides) à Vence qui décroche le prix du Développement durable a toujours refusé de laisser son passé la guider.
Malgré ses handicaps – « J’avais l’impression que les profs me parlaient en chinois » – elle se lance dans l’entrepreneuriat en 2000 sans se poser de questions sur les plafonds de verre ou le monde patriarcal.
Aujourd’hui, Cartouche Vide qu’elle est en train de céder à ses enfants emploie une quinzaine d’employés pour 4M€ de chiffre d’affaires.
La reine de l’apiculture
Des études en informatique et en comptabilité… Mais l’appel de la terre et de l’apiculture sera plus fort. Virginie Tollardo, trophée de l’Agriculture, s’installe en 2012 à St-Martin-Vésubie où elle possède jusqu’à cent ruches. Tout va bien jusqu’à la pandémie et la tempête Alex qui détruit son laboratoire de transformation. « Un cataclysme », se rappelle-t-elle.
Le choc passé et des centaines d’heures de démarches administratives plus tard, elle rouvre un local à Venanson. C’est sans compter un incendie qui, six mois plus tard, dévaste tout. Un vaste élan de solidarité mais aussi une forte résilience lui permettent de reconstruire une nouvelle fois à Saint-Martin-Vésubie… Avant d’être à nouveau touchée par la tempête Aline en novembre dernier.
Aujourd’hui, Virginie Tollardo a 75 ruches, récolte les fruits de ses pommiers, châtaigniers… qu’elle transforme en miels, savons, confitures… dans sa boutique Le Savon du Mercantour.
Revitalisée
La Covid et les banques qui ne suivent pas ont raison en 2021 de la Ferme à la Maison, l’entreprise de paniers de produits frais de Céline Devocht qui vit mal la situation et fait un burn-out.
Elle divorce et s’installe à Saint-Etienne de Tinée avec ses enfants et travaille dans un magasin de locations de skis. Elle y rencontre son compagnon actuel. Celle qui avait juré de ne plus être patronne ouvre avec lui Le Crayon cassé, un salon de thé dans le village en juillet 2023 « qui marche super bien ».
Morale de la jeune femme qui reçoit le prix Revitalisation des territoires? « Ne jamais dire jamais quand on a l’âme entrepreneuriale. »
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