Originaire de Limoges, le journaliste Elliot Wax a infiltré la complosphère pendant six mois

Originaire de Limoges, le journaliste Elliot Wax a infiltré la complosphère pendant six mois

Les éditions Goutte d’Or viennent de publier À la recherche de mon frère, une enquête journalistique au cœur du conspirationnisme français.

Alors que son frère a basculé dans les théories complotistes et voyant que ses contre-arguments ne faisaient que renforcer ses croyances, le journaliste Elliot Wax* a décidé d’infiltrer pendant six mois un média, puis un parti politique français, connus pour relayer des informations complotistes. Il vient de publier le livre retraçant son enquête, aux éditions Goutte d’Or. Interview.

Dans quel état d’esprit avez-vous débuté cette enquête ?

« Au départ, mon objectif était de montrer à mon frère qu’il se trompait, qu’il suivait des gens manipulateurs, cyniques, avec un sens du réel ténu. Je voulais le ramener à la raison. J’avais dans l’idée de tout casser de l’intérieur parce que pour moi, ces gens m’avaient pris mon frère. J’avais une rage en moi. »

Et dans quel état d’esprit en êtes-vous sorti ?

« Plus rien à voir… Finalement, j’ai rencontré des gens qui n’étaient pas aussi farfelus que je le pensais. Évidemment, il y a une grande variété de complotistes, avec un nombre de variables infini. Moi, j’ai rencontré des gens bienveillants, gentils, j’ai même noué des liens d’amitié avec certains. »

Vous vouliez détruire le système de l’intérieur en vous infiltrant tel le cheval de Troie, et finalement, c’est vous qui semblez en sortir chamboulé…

« C’est vrai. Moi qui pensais tout savoir, j’ai compris que je ne comprenais rien. Cette infiltration a été très importante, car elle m’a permis de comprendre le fonctionnement des gens comme mon frère. Comme il y avait le côté affectif en moins, j’ai pu prendre du recul et j’ai trouvé des réponses. J’ai compris surtout qu’on ne pouvait pas changer les gens de force. »

Concrètement, qu’avez-vous découvert sur ce journal et sur ce parti politique ?

« Concernant le média, qui a eu beaucoup de résonance pendant la crise du Covid et qui envoyait le plus de fake news à mon frère, je pensais trouver des stratégies de pensées et de marketing poussées pour faire le buzz ou pour attirer le plus de lecteurs possible. Au lieu de cela, j’ai découvert un journal qui naviguait à vue, où chacun faisait un peu ce qu’il voulait dans son coin sans en référer à qui que ce soit. Un fourre-tout incroyable, avec le Père Ubu aux commandes ! Concernant le parti politique, mon frère avait investi émotionnellement son leader, que je voyais comme une sorte de gourou qui faisait son beurre sur le mal-être de ses ouailles. Au fil des semaines, j’ai découvert un homme brillant, mais plein de doutes vis-à-vis de lui-même, sincère, souffrant de ne pouvoir peser sur la vie politique française. Ce n’était plus pour moi cette espèce d’ogre qui avait mangé le cerveau de mon frère. »

Finalement, est-ce qu’on ne fantasme pas le complotisme, comme les complotistes fantasment le complot ?

« Effectivement. De la même manière que les complotistes imaginent que tout est manipulé, je m’attendais à trouver des gens organisés, mais pas du tout. »

Qu’avez-vous appris sur cette enquête ?

« J’ai appris comment interagir avec un complotiste et j’ai compris que j’avais fait tout ce qu’il ne fallait pas faire. Mon frère, je l’ai moqué, tourné en ridicule, j’ai contre-argumenté avec véhémence… Mon comportement a participé quelque part à sa radicalisation. On ne peut pas changer de force les idées de quelqu’un. Contre-argumenter est contre-productif. Évidemment, s’il n’est pas question de danger pour la santé ou la sécurité, il faut trouver des choses qui rassemblent, dire à la personne “je n’aime pas quand tu me parles de ça, mais toi, je t’aimerai quoi qu’il arrive”. Il faut en prendre son parti si on y arrive, échanger sur d’autres sujets et avoir de l’amour quand même. »

Peut-on se prémunir du complotisme ?

« La commission Bronner propose de développer l’esprit critique à l’école en montrant les biais cognitifs auquel le cerveau humain est soumis. La prémunition est plus forte que la correction, en matière de lutte contre le conspirationnisme et de désinformation. Une fois qu’on est dedans, le déclic ne peut venir que de soi. »

Maintenant que votre livre est sorti, quelles sont vos relations avec votre frère ?

« C’est compliqué. Il n’a pas lu le livre et je ne pense pas qu’il le lira. Il va falloir du temps. Il faut qu’on reconstruise notre relation. »

* Il s’agit d’un pseudonyme. Pour des questions juridiques, tous les noms publiés dans l’enquête ont été modifiés.

Coralie Zarb

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