Au mois de janvier, Eric Jourdan succédait à Thierry Mandon en tant que directeur de l’EPCC Cité du Design. Son prédécesseur avait démissionné au mois d’octobre 2022, alors que des soupçons d’escroqueries et de tentative de détournement de biens publics pesaient sur sa gestion. Designer, Eric Jourdan est un familier de l’établissement puisqu’il a participé, en 1998, à la création de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne. Par ailleurs, il dirige l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne depuis 2020. Actuellement, il travaille sur la prochaine édition de la Biennale 2025, qui aura lieu du 22 mai au 6 juillet. If Saint-Etienne est allé à sa rencontre alors qu’il investissait les nouveaux locaux de l’EPCC Cité du Design Esadse, pour parler du futur de la Cité du Design, de la Biennale 2025 et de sa thématique, des échecs précédents, et des mutations à venir.
La Biennale Internationale Design Saint-Etienne 2025 aura pour thématique « Ressource(s), présager demain ». Pourquoi avoir choisi ce thème et à quoi peut-on s’attendre ?
En fait, ce thème a été notamment choisi en lien avec l’actualité. Quand on parle de ressources, c’est bien sûr la problématique à travers des questions climatiques, mais ce n’est pas que ça. Ce sont aussi les bouleversements géopolitiques, toute la question de la réindustrialisation de l’Europe, etc. Tout ça impacte directement les industries, les gens qui fabriquent des choses et qui les vendent, et donc les designers. Ils se retrouvent au cœur de ces changements, de ces bouleversements, de ces mutations. Un exemple : je suis designer, et il y a quelques années on dessinait des produits qui étaient prototypés en Chine à des coûts de production très bas. Ça, c’est terminé, il faut faire autrement. Donc ça veut dire que, quand vous allez concevoir votre produit, vous n’allez pas le faire de la même façon parce que vous savez que ça ne va pas coûter le même prix. Il faut donc repenser les choses en termes de coûts de production dès le départ. Le fait de ne pas produire dans les pays asiatiques, ça vous emmène rapidement sur du haut-de-gamme. Par exemple, l’industrie automobile allemande a sciemment décidé d’être dans le haut-de-gamme parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait pas lutter sur des petits modèles de voiture. Le design est aussi confronté à toutes ces choses cet cela pose des questions éthiques car il doit être fait pour le plus grand nombre. Il y a aussi la raréfaction de certains matériaux. Le teck par exemple, qui est désormais interdit en Europe. Il y avait une entreprise qui s’appelait Tectona, qui faisait du mobilier en Teck… et bien c’est un exemple, mais ce sont toutes ces questions qui font qu’on ne peut plus utiliser le bois comme on le faisait, le plastique pollue, donc le designer est obligé de repenser sa façon de travailler. Cette thématique pour la biennale s’illustre avec une partie sur la manière dont l’industrie réagit à ça, comment appréhender l’intelligence artificielle, sur les objets hybrides, les ressources à protéger… Il y a neuf sous expositions au total. Nous les avons confiés à neuf designers, pas à des historiens du design, ni à des critiques. C’est quand même eux qui sont le plus à-même de connaître le sujet. Cela concerne énormément nos étudiants dans la mesure où ils sont nés avec ça, ils savent qu’ils ne pourront pas vivre comme nous on a vécu. Ils sont très sensibilisés à ça. Chez eux ce n’est pas une posture, ils savent que c’est comme ça, et ça fait donc partie de leur façon de penser.
Lors de la dernière édition, la décision avait été prise d’étaler la Biennale sur une durée de 4 mois, avec un succès qui n’a pas été au rendez-vous. Vous revenez donc à un format plus court pour cette 13ème édition ? Cherchez-vous toujours le « format idéal » ?
Non car ce format, on l’avait avant. Une biennale de quatre mois, c’était une idée totalement ridicule. Je ne connais pas de manifestation qui dure quatre mois. Des expositions, oui, pas des manifestations. Ça veut dire qu’il faut créer de l’événement pendant quatre mois, ça multiplie les coûts d’exploitations, ça a été une erreur tragique.
Cette édition sera particulière puisqu’elle aura lieu dans un quartier reconfiguré, baptisé Cité du design 2025, qui accueillera la Galerie nationale du design. Qu’est-ce que ça change pour la biennale ?
Le quartier aura changé un peu, mais pas complètement. Il y aura des travaux pendant la biennale même si beaucoup aura été fait. Ce qui manquait à ce quartier, c’est qu’il se passe quelque chose entre les biennales. Il y a une école, il y a l’université, donc ça vit, mais pas ou peu après 19 heures. Cité 2025, c’est l’écrin de la biennale, c’est là où elle prendra encore plus d’épaisseur car c’est un événement à l’intérieur d’un ensemble où il se passera des choses, à la fois culturellement, mais aussi commercialement avec de la restauration, de l’hébergement, des jardins. La galerie nationale du design sera achevée à la fin de l’année 2025. Au départ elle devrait être prête à temps, mais les travaux… On l’ouvrira donc un peu plus tard, mais ça créera un autre événement.
La biennale a enregistré un déficit conséquent lors de sa dernière édition. Comment entendez-vous corriger le tir ?
C’est pas compliqué. Moi, je viens du monde de l’entreprise. On m’a donné une somme d’argent, et ce ne sera pas plus. Je travaille beaucoup sur du mécénat aussi. On devrait avoir des sommes via de grandes entreprises. Notre budget est en baisse par rapport à l’ancienne édition, mais on fait avec ce que l’on a et c’est tout. On contrôle régulièrement en ce sens, il faut vraiment faire attention. Je me suis engagé à cela avec le secrétaire général, vis-à-vis de la Métropole, vis-à-vis du président. Je n’ai pas le droit à l’erreur et ce ne serait pas supportable, j’aurais honte.
Vous avez succédé à Thierry Mandon à la tête de la Cité du design en début d’année. Est-ce que cela a été chose facile étant donné les circonstances de son départ ? L’image de la cité n’est-elle pas un peu entachée ?
J’étais directeur de l’école et Thierry Mandon est parti. On a découvert ensuite toutes ces histoires de déficits et autres le concernant. Cela a amené nos tutelles, qui sont l’Etat, la Métropole, et la Région, à nous demander de revoir nos statuts juridiques. Il y a eu une période de six mois très compliquée ensuite. Jean-Yves Gauchier était alors directeur général par intérim, et on a travaillé sur la restructuration juridique et budgétaire de l’établissement. C’est l’école qui est maintenant le budget principal, et les activités d’exposition et de diffusion sont au budget annexe. Ce qui a entraîné le fait que le directeur de l’école devienne automatiquement le directeur de l’établissement. Cela ne m’a pas empêché de mettre en place un projet pour l’établissement. C’était en plus un souhait du ministère de la culture, qui poussait en ce sens. Je rappelle que c’est l’école qui a créé la biennale. Désormais cette période est derrière nous, nous sommes en pleine préparation de la biennale, et l’école a beaucoup aidé à notre survie, il y a une vraie confiance de la part du ministère de la culture.
Il est parfois reproché à la Biennale du design de ne pas être pensée pour les Stéphanois et de ne pas toujours être accessible pour un public de néophytes. Est-ce une remarque à laquelle vous essayez d’être vigilant ?
Oui, on l’entend très souvent. L’idée est donc aussi de faire revenir les gens. La dernière biennale a duré quatre mois, mais ça aurait duré un mois il n’y aurait pas eu plus de monde. Pour parler aux gens, il faut leur montrer des choses qui les concernent, parce qu’on est tous concerné par le design, via la voiture, le téléphone, le grille-pain, la chaise sur laquelle on s’assoit… On va vraiment montrer uniquement des objets, ça va être une édition orientée là-dessus. Le grand succès d’Apple c’est bien sûr sa technologie, mais surtout son design. Il faut montrer aux visiteurs que le design n’est pas quelque chose de lointain, d’élitiste. C’est un truc avec lequel on vit. C’est vrai qu’il y a eu des biennales complètement prises de tête, on est bien conscients de ça, on y travaille.
Quelle est votre définition du design ?
Design en anglais c’est dessiner. Je suis très attaché à l’idée de dessin, d’écriture même. Il y a un soin à apporter au dessin des choses. Il y a l’usage, la fonctionnalité, mais il y a aussi le soin que l’on a mis à dessiner. Pour moi, le design c’est dessiner son environnement quotidien, c’est l’inverse de s’assoir sur un caillou, c’est prendre du soin à ce qui fait qu’on va vivre mieux. C’est prendre soin de son environnement et de son quotidien. La crise du Covid a d’ailleurs complètement recentré les gens sur leur intérieur parce qu’ils étaient tout le temps chez eux, mais aussi parce qu’ils y travaillaient. Il y a donc eu une prise de conscience des objets qui les accompagnent, qui aident à mieux vivre. Pour moi, c’est beaucoup ça, c’est une esthétique de la vie. Et puis, comme le thème l’illustre, le design est en prise direct avec la vie, l’environnement, ce n’est pas déconnecté. L’artiste peut vivre dans une certaine autonomie, le designer est quelqu’un qui ne peut pas s’exclure d’un environnement industriel, géopolitique, sociétal… comme on l’a vu dans certaines biennales justement.
Quels sont les projets que vous souhaitez mener à bien ?
A l’école, on a ouvert les classes d’alternance en design. On a été la première école publique à le faire et c’est un succès génial. Cette année, en octobre, on va ouvrir un post-master design et industrie. Les recrutements ont lieu en ce moment. Des équipes de designers, en tandem avec des industriels, vont travailler à des futurs projets, futurs produits. On a une entreprise parisienne d’impression 3D qui s’appelle Sculpteo, filiale de BASF, et Rondino, qui est une entreprise basée à Montbrison qui fabrique du mobilier urbain, qui ont accepté de partir dans cette aventure avec nous. On va commencer petit avec quatre étudiants, mais on s’est dit, c’est à Saint-Etienne qu’il faut le faire. De manière générale, la Cité du design était une institution qui parlait aux institutions, mais pas tellement aux designers. Ce que je veux, c’est que le ou la designer soit au centre de tout ce qu’on fait. C’est terminé de parler de design sans designers. Les experts ce sont eux. A une certaine époque j’ai vu ici des espèces de formations pour entreprises au design sans designers. L’idée est de revenir à la création. La Cité du design doit être un lieu de création, un lieu qui aide les designers à se faire connaître, à rencontrer des entreprises, mais pour ça il faut qu’ils viennent ici. Il faut que cet endroit soit ouvert, et en finir avec la Cité interdite comme on la surnommait. Un jeune qui a envie de travailler avec une boîte doit pouvoir venir ici discuter avec quelqu’un. Si c’est pour parler à des institutions en Chine, qui parlent à d’autres institutions de l’avenir du design, j’en ai rien à secouer. On n’est pas là pour ça. L’idée c’est que cela soit la Cité des designers. Il faut casser ce truc un peu sérieux, et qui en plus n’a rien donné. Il faut aussi que les gens du quartier viennent ici et se disent « tiens, en fait il se passe des choses, il y a des expos, on peut aller boire un coup, manger au restaurant ». Nous on est là-dessus, c’est pas compliqué.
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