« Mais c’est très banal », répond à plusieurs reprises Isild Le Besco, invitée jeudi matin de Léa Salamé sur France Inter. Ce que l’actrice, réalisatrice, autrice et scénariste de bientôt 42 ans, dont le livre, « Dire vrai », vient de sortir chez Denoël, qualifie d’une voix douce de si « banal », ce sont des réalisateurs – ou des réalisatrices, Isild Le Besco évoquant plusieurs exemples de femmes – qui demandent à une actrice de 14 ans de regarder pour se préparer à un tournage le film érotique « L’Empire des sens », qui multiplient de longues scènes de sexe, ou de « baffes », qui essaient en permanence de contrôler son corps, qu’on lui demande sans cesse d’ « affiner », parce que ses cuisses ressembleraient « à de gros jambons ».
« À force, la violence et l’humiliation sur les plateaux me sont apparues banales », résume Isild Le Besco, et ce qu’elle reproche à un Jacques Doillon qu’elle accuse de lui avoir retiré un rôle au profit de sa fille parce qu’elle se refusait à une intimité avec lui, c’est moins cette réaction – encore une fois pour elle « très banale » –, que le fait de l’avoir fait auparavant travailler pendant des semaines, nourrissant le personnage qu’elle devait interpréter de ses mots, tout cela sans rémunérer ce travail au final. Cela, « c’est dégueulasse », juge l’actrice. Le réalisateur, lui, nie totalement avoir agi ainsi qu’elle le décrit.
Les révélations de Judith Godrèche, auxquelles elle s’est associée, conduisent la police à l’appeler pour obtenir son témoignage. « Ce rôle de victime, je suis invitée à le tenir publiquement », écrit-elle, en ouvrant son livre sur le choc vécu il y a quelques mois, une agression dans un train, qui a provoqué chez elle une dissociation et un appel téléphonique dont elle n’a pas gardé le souvenir, et au cours duquel elle répétait en boucle à sa petite sœur : « Je ne suis pas une victime ».
Jacquot, « un homme de son époque »
La sœur de l’actrice et réalisatrice Maïwenn a grandi dans une famille dysfonctionnelle, où la maltraitance physique et mentale représentait la norme. Poussée par sa mère sur les plateaux de cinéma dès ses 14 ans, elle se décrit en proie idéale, qui n’avait « pas assez de recul pour nommer les choses et même pour se défendre ».
« Je ne dénonce rien, dit-elle encore, tout cela, les gens le savent, et pas seulement dans le milieu du cinéma ». Benoît Jacquot, avec lequel elle a vécu et tourné de ses 16 à ses 24 ans, « c’est simplement un homme de son époque », « un homme riche et plus vieux qui a du pouvoir et qui se sert d’une adolescente pauvre ». C’est bien un climat, une époque, un rapport social, qu’elle pointe dans son récit.
Le cadre juridique du viol
Isild Le Besco pourrait porter plainte, il s’écoulera encore deux ans avant que la prescription n’entre en vigueur en ce qui la concerne. Mais elle s’avoue « terrifiée » vis-à-vis de la justice, de laquelle elle semble visiblement plus craindre un « nouveau traumatisme » qu’une réparation.
Surtout, elle s’interroge sur la définition du viol, estimant que sa situation face à Benoît Jacquot n’entre pas dans le cadre juridique : « avec violence, contrainte, menace ou surprise ». « Dire qu’il m’a violée est évident, écrit-elle dans son livre, mais le mot viol est réducteur », ajoutant : « avant de me violer physiquement, Benoît a violé mon esprit ».
Judith Godrèche, juge-t-elle, a « ouvert un boulevard », et « moralement on doit tous y aller », même si les mots ne suffiront jamais. Quant à guérir de cette adolescence troublée, « je ne sais pas si on se guérit vraiment, je le saurai dans quelques années », conclut-elle.
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