FIGAROVOX/TRIBUNE – Le 30 avril, les députés examineront en première lecture un texte destiné à garantir la confidentialité des consultations des juristes en entreprise. Bernard Carayon, président de l’Institut international d’intelligence économique et stratégique, juge nécessaire de se doter d’un outil juridique en la matière.
Bernard Carayon, maire LR de Lavaur (Tarn) est avocat au barreau de Paris et président de l’Institut international d’intelligence économique et stratégique.
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La loi d’espionnage FISA qui autorise les services de renseignement américains à intercepter puis exploiter, sans recours à un juge, les communications des non-Américains dans le monde, vient d’être prolongée par un vote du Congrès. Google, IBM, Amazon, Microsoft et «tout fournisseur de services de communication électronique», continueront, dans l’indifférence européenne, d’être au service, à leur grand dam, d’une stratégie globale captant secrets d’État, secrets des affaires et secrets de la vie privée.
Par un utile hasard, l’Assemblée nationale va débattre dans quelques jours d’un texte instaurant le «legal privilege» à la française, destiné à garantir la confidentialité des consultations des juristes en entreprise. Comme d’habitude, la France est en retard sur les sujets de guerre économique : elle reste un des rares pays de l’OCDE à ne pas protéger ces avis, vulnérables aux procédures judiciaires extraterritoriales, aujourd’hui américaines, demain chinoises. La France, amateur des sabres de bois, n’a déjà pas emprunté en 2018 la voie pénale mais la voie civile pour sanctionner le vol des secrets d’entreprise, alors que la prison, comme chacun peut le comprendre, est plus dissuasive que l’amende.
Aussi, pour les autorités judiciaires et les administrations étrangères, la France est depuis toujours un joli terrain de chasse : les sanctions financières frappant nos entreprises, à l’instar de BNP-Paribas, Alstom, Crédit Agricole ou Société générale, commerçant en dollars ou usant de serveurs informatiques américains, ont été d’une lourdeur singulière. Or, les risques de sanctions économiques unilatérales s’amplifient partout, les diplomaties et les outils juridiques se durcissent, les formes d’intrusion informatique se sophistiquent. De nombreux rapports parlementaires ont, depuis vingt ans, sonné le tocsin et rappelé la nécessité de lutter «à armes égales».
C’est un petit pas pour la France, mais important pour nos entreprises, si la représentation nationale veut bien surmonter, au-delà des clivages partisans, la réticence des corporations.
Bernard Carayon
Pourtant, ce texte – complétant le secret professionnel des avocats -, qui confère aux entreprises françaises le même niveau de protection dont bénéficient leurs plus agressives concurrentes, est contesté… par des autorités administratives craignant une paralysie de leurs enquêtes. Un risque infondé : chez nos concurrents, jamais le recueil matériel des preuves et le succès des enquêtes pénales n’ont été entravés. Quant aux avocats, légitimement attachés à leur indépendance, qui redoutaient que cette réforme instaure des «avocats-bis» en entreprise, ils peuvent être satisfaits : il n’en est pas question.
Alors que la concurrence des entreprises extra-européennes, gorgées de subventions publiques, protégées et accompagnées sur les marchés mondiaux par leurs appareils d’État, n’a jamais – ou presque – été sanctionnée par les autorités européennes, l’enjeu est bien de se doter – enfin ! – d’un outil préservant dans le domaine juridique les conditions d’une concurrence plus équilibrée.
C’est un petit pas pour la France, mais important pour nos entreprises, si la représentation nationale veut bien surmonter, au-delà des clivages partisans, la réticence des corporations, vaincre l’esprit de naïveté qui prévaut depuis si longtemps dans notre pays, et apporter une pierre à la reconstruction de nos souverainetés.
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