Que nous dit l’article 8.11 des conventions collectives nationales des ouvriers du Bâtiment ? « Le régime des petits déplacements a pour objet d’indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment des frais supplémentaires qu’entraîne pour eux la fréquence des déplacements, inhérente à la mobilité de leur lieu de travail ». La formule est identique dans l’article 8.1 de la convention collective nationale des ouvriers des Travaux publics.
Pour l’indemnité de repas, les conventions collectives nationales considèrent qu’elle « a pour objet d’indemniser le supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l’ouvrier ».
Cependant, l’employeur n’a pas à verser l’indemnité pour chaque jour de chantier pour lequel le salarié « prend effectivement son repas à sa résidence habituelle » ou pour lequel « un restaurant d’entreprise existe sur le chantier et le repas est fourni avec une participation financière de l’entreprise égale au montant de l’indemnité de repas » ou pour lequel « le repas est fourni gratuitement ou avec une participation financière de l’entreprise égale au montant de l’indemnité de repas ».
Le cas d’exclusion qui va nous intéresser ici est le premier cité (le salarié prend chez lui). Une récente décision de la Cour de cassation est l’occasion d’y apporter un focus.
Le débat était le suivant : une indemnité de panier prévue sur un montant mensuel forfaitaire par le contrat de travail peut-elle être réduite en fonction du lieu de déplacement ?
La Cour de cassation énonce dans son arrêt du 12 juin 2014 le principe suivant : « lorsque le contrat de travail prévoit le remboursement forfaitaire des frais professionnels exposés par le salarié, ce dernier peut prétendre à l’indemnisation convenue sans avoir à justifier des frais réellement exposés ». Or, l’employeur refusait de verser l’intégralité de l’indemnité contractuelle pour certains mois en considérant que le salarié était affecté parfois à des chantiers dont l’éloignement permettait au salarié de rentrer manger à son domicile. Des chantiers pour lesquels le salarié ne pouvait pas prétendre à une indemnisation de ses frais de repas selon l’employeur en vertu des dispositions de la convention collective. Analyse juridique rejetée par la Cour de cassation qui se fonde exclusivement sur les termes du contrat de travail sans évoquer le cadre propre à la convention collective en matière de panier.
Avis d’expert :
Et si rien n’était mentionné dans le contrat de travail (cas le plus courant dans le BTP) ? Est-ce que les conventions collectives des ouvriers du BTP permettent à un employeur de ne pas verser de prime de panier à un ouvrier qui a la possibilité de retourner manger chez lui à la pause de midi compte tenu de l’éloignement du chantier ?
La réponse est plus complexe qu’il n’y parait. En effet, les conventions collectives nationales des ouvriers du BTP affirment seulement que « l’indemnité de repas n’est pas due par l’employeur lorsque l’ouvrier prend effectivement son repas à sa résidence habituelle ». Il y a une différence entre « possibilité » et « prise effective ».
A noter dans la réflexion que le régime conventionnel des petits déplacements permet d’indemniser les « frais supplémentaires » liés à la mobilité du lieu de travail. Dès lors, il semble possible à notre sens de s’appuyer sur ces termes des conventions collectives nationales pour refuser le versement de l’indemnité de panier lorsque le lieu du chantier est proche du lieu de rattachement administratif du salarié : on ne peut pas évoquer de mobilité du lieu de travail conduisant à des frais supplémentaires. En gardant à l’esprit que la Cour de cassation a indiqué dans un arrêt n° 14-15.687 du 20 janvier 2016 qu’en cas de contentieux sur le versement des paniers conventionnels, il appartient au salarié d’apporter la preuve d’un supplément de frais occasionné par la prise du repas en dehors de sa résidence habituelle.
Il reste bien une certaine incertitude juridique. D’ailleurs, les partenaires sociaux ayant négocié en 2018 la réforme annulée des conventions collectives nationales des ouvriers du Bâtiment, avaient prévu que « l’indemnité de repas a pour objet d’indemniser l’ouvrier mis, pour des raisons de service, dans l’impossibilité de regagner son domicile et qui prend son déjeuner en dehors de sa résidence habituelle, du supplément de frais ainsi occasionné ». Dès lors, si le lieu du chantier permettait bien de regagner le domicile, le versement de l’indemnité de repas était subordonné à des consignes de l’employeur empêchant ce retour. Dans l’attente d’une future réécriture des textes sur l’indemnité de repas en cas de petits déplacements, il convient de se montrer prudent sur la détermination du nombre de paniers à verser chaque mois si des déplacements de courte distance sont réalisés.
Il faut faire attention, en plus de la question du versement ou non de l’indemnité de repas au regard du cadre conventionnel, à la question des conséquences en termes de charges sociales du versement d’une indemnité de repas pour des chantiers situés à proximité du lieu de rattachement administratif du salarié.
Car la prime de panier est en principe exonérée de charges sociales à hauteur d’un plafond fixé par les URSSAF, principe rappelé dans le paragraphe 160 du dossier « frais professionnels » du Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS).
Toutefois, le paragraphe 220 de ce même dossier peut permettre à un agent de contrôle des URSSAF de considérer comme soumise une prime de panier attribuée à un salarié affecté sur chantier dont les conditions de travail ne lui interdisent pas de regagner son domicile ou son lieu de rattachement administratif pour le repas du midi. Cette interdiction devant résulter de « contraintes horaires ».
Faute pour l’employeur de prouver la réalité de ces contraintes horaires, les paniers versés au salarié sont susceptibles d’être réintégrés dans l’assiette des charges sociales. L’employeur doit, en conséquence, veiller à disposer le cas échéant d’éléments permettant d’établir les circonstances contraignant le salarié à ne pas pouvoir manger à son domicile ou à son lieu de rattachement malgré la proximité du chantier. Des éléments qui peuvent être liés à l’utilisation d’un véhicule commun pour se déplacer sur le chantier, sur le temps réduit pour la pause repas, sur les procédures de sécurité pour pénétrer sur le chantier, etc.
Pour plus de précisions sur le régime des petits déplacements, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Social Bâtiment ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 12 juin 2024, n° 23-12.409 (lorsque le contrat de travail prévoit le remboursement forfaitaire des frais professionnels exposés par le salarié, ce dernier peut prétendre à l’indemnisation convenue sans avoir à justifier des frais réellement exposés)
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