
Avocats, magistrats, architectes, chargés de marchés publics dans des collectivités, ils étaient une cinquantaine à participer, en présentiel ou en visioconférence, à l’atelier du 7 octobre dernier organisé à Rouen par les centres de médiation et de justice amiable des trois barreaux de Seine-Maritime dans le cadre de la sixième édition « d’Octobre, mois de la justice amiable ». Les plus de trois heures d’échanges nourris autour de la médiation de chantier attestent du potentiel de cette démarche.
De quoi parle-t-on exactement ? « La médiation de chantier c’est de la médiation de projet, explique Sandrine Gillet, avocate et médiatrice. Elle est mise en œuvre à titre préventif, avant tout litige ». Il s’agit donc d’un outil qui vise à résoudre les difficultés avant qu’elles ne virent à la confrontation.
Retour de (mauvaises) expériences
Or les marchés publics de travaux seraient un terrain propice aux conflits qui s’enlisent. En attestent les nombreux témoignages des participants à l’atelier à propos de chantiers se transformant en de véritables « guerres administratives, à coup de réserves et d’envois de lettres recommandées ». Amandine Domingues, désormais avocate et médiatrice après vingt ans passés dans des directions juridiques de plusieurs collectivités, se souvient aussi des « mémoires en réclamation d’une centaine de pages lors de l’établissement du décompte général et définitif. Chaque partie se protège et ne communique plus, ce qui conduit souvent à un contentieux de plusieurs années, initié après une éprouvante expertise judiciaire ».
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Un tiers neutre mais qui en impose
L’intervention tout au long du projet d’un médiateur, neutre et impartial, permettrait d’éviter ces situations. « Il va créer une dynamique de dialogue et de confiance, en faisant en sorte qu’il y ait une relation apaisée et consensuelle entre tous les intervenants », considère Amandine Domingues. Consensus qui sera d’autant plus admis que « c’est l’affaire des parties de trouver une solution et un accord, pas celle du médiateur qui émet seulement des recommandations », précise Claude Amar, ancien architecte.
Ce dernier, qui a fait de la médiation son métier, estime « qu’il faut un profil qui en impose », capable de se faire accepter et entendre de tous. Amandine Domingues suggère alors « la co-médiation avec un expert en relationnel, souvent un juriste, et un expert en construction ». D’autant plus que les problèmes rencontrés en cours de chantier « sont rarement issus de l’interprétation du contrat mais concernent plutôt les pièces techniques », observe Claude Amar.
Une clause puis une convention
Pour faire entrer la médiation de chantier dans les mœurs des collectivités et des entreprises, il faut que celle-ci soit prévue dans les CCAP, estime Amandine Domingues. Sans toutefois lui conférer un caractère obligatoire, le principe devant être accepté de chaque participant. « La clause de médiation vise à l’encourager et a d’abord un caractère pédagogique ». Pédagogie qui se poursuit lors de la première réunion de chantier, pendant laquelle l’avocate recommande de faire intervenir un médiateur « qui va présenter les vertus de son accompagnement ».
Puis, si toutes les parties sont d’accord, elles peuvent conclure une convention de médiation. Celle-ci détermine les modalités d’action du médiateur. « Il faut prévoir que chaque partie puisse le saisir, et fixer les différents délais de réponse car l’objectif est de résoudre rapidement les difficultés, indique Claude Amar. Le médiateur doit aussi s’engager sur sa disponibilité ».
Une démarche à réserver à certains projets particuliers
Il préconise ainsi de le rémunérer avec une part fixe et une part variable en fonction de ses interventions. « Tout le monde doit y contribuer, précise-t-il. Le pourcentage des entreprises peut par exemple être établi par rapport au montant de leur lot ».
En raison de son coût, la médiation n’est donc pas à systématiser. Amandine Domingues identifie plusieurs critères pour déterminer si elle est nécessaire : « La médiation est particulièrement recommandée en cas de contrainte temporelle forte ou si le chantier est complexe soit d’un point de vue technique soit parce qu’il implique beaucoup d’intervenants différents, car elle inclue tout le monde y compris les sous-traitants ».
Quant à savoir quand doit prendre fin la participation du médiateur, Amandine Domingues propose de l’arrêter lorsque le décompte général devient définitif « car c’est l’acte qui clôt l’exécution juridique et financière du marché ». Dans la salle, d’autres optent plutôt pour la faire perdurer jusqu’au terme de la garantie de parfait achèvement. Preuve qu’en matière de médiation de chantier, il reste encore beaucoup à bâtir.
Sécurité juridique
L’avocat a un rôle à jouer dans le cadre d’une médiation, à condition de repenser son accompagnement. « Il devient partenaire de la solution qui a émergé lors de la médiation de chantier, tout en veillant à assurer sa sécurité juridique », observe Sandrine Gillet.
Car « si la médiation n’est pas une réponse juridique, elle doit être une réponse conforme au droit pour passer le contrôle de légalité ou ceux des chambres régionales des comptes », complète Amandine Domingues. L’accord des parties sera ainsi le plus souvent formalisé par un avenant. « Ce dernier devient presque accessoire dans le processus, l’essentiel étant avant tout le maintien du dialogue tout au long des travaux, mais il n’en demeure pas moins nécessaire pour formaliser les modifications et adaptations convenues entre les parties ».
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