
Par Kamel Belhout*
L’histoire nous enseigne sur la raison de l’émergence du droit qui est la présence d’individus dans un groupe cherchant à vivre dans une société organisée et stable qui garantit la protection de leur existence et de leurs biens ainsi que leur continuité dans leur environnement spatio-temporel. Par conséquent, le droit, à son tour, étant un ensemble de dispositions interprétatives ou directives, est responsable à travers ses fonctions de régler le statut des personnes et leurs biens ainsi que d’encadrer les rapports entretenus entre ces personnes publiques et/ou privées, en préservant leurs libertés et leurs droits individuels et les motiver à exploiter leurs biens et leurs capacités, qu’elles soient morales et intellectuelles ou matérielles en œuvrant pour le développement durable de leur société qui utilise et aménage ses ressources et ses milieux naturels pour son épanouissement et sa prospérité. Cette responsabilité confiée au droit se manifeste dans le requièrement d’un certain niveau de maîtrise et de soins particuliers lors de la formulation et de l’élaboration des textes juridiques et réglementaires intelligibles, accessibles et stables en tenant compte de leur exhaustivité et de leur durabilité et ce dans le but d’assurer la qualité et l’efficacité des textes juridiques qui sont intimement liées à la sécurité juridique. Dans ce contexte, le secrétariat général du gouvernement (2e édition août 2024) a mis à la disposition des agents de l’État en charge de l’élaboration des textes juridiques, des professionnels du droit et des chercheurs un guide pratique d’élaboration des textes juridiques comprenant les principes, les règles et la méthodologie à suivre lors des différentes étapes d’élaboration et d’approbation des projets de textes législatifs et réglementaires, selon une approche méthodologique, scientifique et pratique, sur la base d’un profond diagnostic du processus normatif en vigueur en matière d’élaboration de textes juridiques, tout en capitalisant la riche expérience nationale acquise dans ce domaine. Dans cette contribution aujourd’hui, la question que nous abordons est l’invalidité de certains textes liés au domaine agricole, notamment ceux liés à l’autorisation pour les constructions à usage agricole et/ou celles ayant une relation au stockage, au conditionnement et à la transformation des produits agricoles.
Obstructions
Les droits de construction et les normes applicables aux installations d’équipements liés à l’exploitation agricole sont édictés par les dispositions de l’arrêté interministériel du 13 septembre 1992 modifié et complété relatif aux droits de construction applicables aux territoires situés hors des parties urbanisés des communes, notamment dans ses articles 1, 2, 3, 4, 6 et 8. Quoique nombre de ses dispositions soient inappropriées et révolues et loin de la réalité du terrain, l’absence d’une lecture attentive et l’interprétation perverse de certaines de ses dispositions ont conduit à l’aliénation de beaucoup d’investisseurs et à l’obstruction de nombreux importants projets agricoles ou directement liés au secteur agricole, prétendant mettre en œuvre les dispositions de cet arrêté et sous prétexte de protection des terres agricoles sachant que la vérité indéniable est que les terrains situés dans les zone rurales ne sont pas tous agricoles, d’où il faut se garder de cette généralisation inutile soumettant ainsi une part importante de ce patrimoine foncier à cette vision étriquée et passant à côté de grandes opportunités de développement local dans ces zones rurales.
Hors sol
L’examination attentive et minutieuse de ce texte juridique nous montre ses défauts et imperfections quant : aux critères utilisés pour la classification et la détermination de la potentialité des terres agricoles ; à la définition et la fixation de la superficie minimale d’une terre agricole ainsi que la détermination des superficies minimales des exploitations agricoles suivant leurs activités ; à la détermination des emprises au sol permises sur les terres agricoles suivant leur potentialité. Premièrement, le seul critère subjectif utilisé pour déterminer la potentialité des terres agricoles dans ce texte est l’aspect topographique des terrains sans leur aspect agro pédoclimatique où la terre est considérée de bonne ou de moyenne potentialité agricole quand elle est accessible mécaniquement mais elle est de faible potentialité quand son accès est difficile ou totalement inaccessible alors que combien de terrains qui sont topographiquement plats ou légèrement en pente sont de faible valeur agronomique tout en trouvant des terrains inaccessibles topographiquement mais de haute valeur agronomique.
Deuxièmement, lors de la confection de ce texte, la fixation de la superficie minimale pour définir une terre agricole était absente, ce qui entraînait une ambiguïté dans l’application de ce texte dans des cas de terrains ne répondant pas aux critères de définition d’une terre agricole et pour étayer ce point de vue, comment se permet-on de limiter l’occupation au sol d’un projet seulement à un cinquantième (1/50) de la superficie totale d’un terrain de 1000 m2 alors que cette superficie n’est pas agricole et ne pouvant pas être exploitée assurément dans les différentes productions végétales mais qu’on peut utiliser dans la réalisation d’un hangar destiné pour une exploitation de productions animales, conduite en hors sol ou encore pour mettre en place des installations de stockage, de conditionnement et de transformation des produits agricoles car une terre est dite agricole lorsqu’elle se situe en zone rurale ayant une superficie minimale pour abriter une exploitation agricole ou a minima des terres arables, des surfaces en herbe (comme le cas des prairies et des parcours) ou des champs de cultures pérennes, et la terre agricole universellement peut être non seulement exploitée dans la production agricole proprement dite (pour produire le végétal et l’élevage des animaux) mais elle peut recevoir les équipements et les constructions destinés au stockage, au conditionnement et à la transformation des produits agricoles. Quant au troisième point, la détermination des emprises au sol permises sur les terres agricoles est faite suivant leurs potentialités agricoles alors qu’il a fallu judicieusement arrêter initialement les différents types d’exploitation agricole et leurs superficies minimales puis la définition des emprises au sol qu’il faut occuper par le bâti pour chaque exploitation, sachant que l’importance des constructions sera suivant la taille de l’exploitation et son activité. Il convient encore de noter le cas des terrains situés dans les zones de montagne, généralement difficiles à y accéder ou totalement inaccessibles où beaucoup d’investisseurs ont manifesté leur intérêt d’y investir et prêts à injecter des sommes d’argent colossales pour mettre en œuvre des projets agricoles de grande envergure, notamment dans le domaine de la production animale mais cette volonté intense s’est heurtée aux applications de ce texte juridique.
Dérogation
Et pour généraliser le point de vue critique de ce texte juridique, nous pouvons dire qu’il s’agit d’un texte qui désavantage les habitants des zones rurales en matière d’autorisation pour les constructions à usage d’habitation, ce qui les étouffe donc à deux reprises et de deux manières ce qui est contraire aux orientations et aux objectifs des politiques de développement et de promotion du monde rural qui tentent à encourager le désir des populations rurales de s’accrocher davantage à ce grand espace vital et de l’exploiter vu son importance socio-économique. Et pour résoudre ce double problème, il y aura deux solutions possibles qui sont les suivantes : prendre l’initiative d’arrêter les superficies minimales pour définir le quoi d’un terrain agricole devant recevoir une activité agricole, en tenant compte non seulement de la topographie du terrain mais aussi de sa valeur agronomique et de l’activité agricole à envisager. Autoriser la réalisation des constructions à usage agricole ou habitation sur les terres non agricoles ne répondant pas aux critères de classification mentionnés ci-dessus sous réserve de répondre aux normes architecturales et environnementales ainsi qu’aux spécificités de l’activité agricole ou para-agricole à mettre en place. Créer une commission chargée de dérogation et du déclassement des terrains ne pouvant pas recevoir une activité agricole pour des constructions à usage d’habitation, agricole, stockage, transformation… De là, il est devenu nécessaire de rédiger un texte juridique qui tienne compte des mutations structurelles et organisationnelles dans tous les aspects de la vie quotidienne du monde rural, qui doit reposer notamment sur l’existence d’une activité économique locale diversifiée à côté du secteur primaire (agriculture) pour créer des emplois locaux pour une population rurale en quête d’un développement rural durable et des solutions innovantes face aux tendances évolutionnelles technologiques, environnementales, démographiques, économiques et politiques, à l’instar de toutes les sociétés dans le monde qui voient leurs besoins grandissants et incompressibles en matière du foncier dans plusieurs secteurs de développement tels que le secteur résidentiel et celui de l’industrie dont leurs réserves foncières de plus en plus se raréfient créant une pression sur le secteur de l’agriculture qui détient la plus grande part de cette ressource non renouvelable et qui se trouve en position défensive face à cette pression mais l’agriculture ne peut pas être déconnectée des autres secteurs dont cette interconnexion est régie par le rapport de logique d’affrontement, créant, certes, une situation de conflit d’usage mais ce qui mène obligatoirement à concevoir des méthodes de gestion et d’instruments de partage raisonnables de cette ressource pour avoir un équilibre foncier durable en tenant compte, bien sûr, des besoins de fonctionnement durable de l’agriculture. Enfin, les terrains agricoles en principe sont non constructibles mais il existe quelques exceptions de terrains de l’étendue rurale susceptibles de devenir constructibles pouvant recevoir tous les types d’investissements, que ce soit agricoles ou non agricoles à condition de prévoir ces exceptions sur les plans d’aménagement urbain des communes sous forme de secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées en précisant la nature ainsi que la taille et la localisation des constructions et aménagements autorisés et ce suivant une approche globale objective pour d’améliorer les conditions de vie des populations locales et d’éliminer les disparités de développement via l’exploitation de ce potentiel rural exceptionnel en matière des terres permettant d’offrir des possibilités de développement de beaucoup d’activités socio-économiques, en procurant un cadre de vie épanouissant et faisant des communautés locales des unités attractives d’investissement pour créer de la richesse et parvenir à un développement équilibré.
* Ingénieur agronome
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