Le 3 octobre dernier, l’émission Enquête a soulevé l’importance pour les autorités policières de comprendre le contrôle coercitif afin de contrecarrer la violence à l’égard des femmes et des enfants et, dans les cas les plus graves, les féminicides et les filicides. Qui plus est, dans l’édition de novembre de L’actualité, un article sur la criminalisation du contrôle coercitif stipule qu’à l’heure actuelle, les personnes soumises à des comportements coercitifs ne sont pas protégées par la police ou le système judiciaire.
Alors que nous en sommes au 20e féminicide pour l’année 2024 — et à un féminicide par semaine depuis un mois —, force est d’admettre qu’il persiste des lacunes dans la compréhension et l’évaluation du contrôle coercitif ainsi qu’un manque important d’assises juridiques, leviers incontournables pour la pratique policière.
Par conséquent, bien que le projet de loi C-332 visant à criminaliser les conduites contrôlantes et coercitives ait été adopté à l’unanimité en juin par la Chambre des communes et en est à sa deuxième lecture devant le Sénat, il importe de soulever la question des « bris de conditions » comme un drapeau rouge attestant d’une dynamique empreinte de contrôle coercitif.
Lorsqu’un agresseur est arrêté par les policiers, il est soumis à des conditions durant le processus judiciaire ou pendant qu’il purge sa peine afin d’assurer la sécurité des victimes et de les protéger, entre autres, des représailles et du harcèlement. Les conditions sont notamment une interdiction de communiquer avec la victime, une interdiction de se rendre sur les lieux fréquentés par la victime, comme sa résidence ou son lieu de travail, l’obligation de rendre ses armes au poste de police et l’interdiction de faire tout commentaire sur la victime sur les réseaux sociaux. C’est le premier rempart de protection pour les victimes.
Cependant, lorsque l’agresseur ne respecte pas ses conditions, une brèche importante se crée. Le non-respect d’une des conditions entraîne la commission d’une nouvelle infraction criminelle, la violation de condition, qui va à l’encontre de l’administration de la justice et témoigne d’un non-respect envers le système de justice pénale. Plus encore, c’est en soi un autre drapeau rouge démontrant que l’agresseur ne peut s’empêcher de communiquer avec la victime afin de continuer à exercer son contrôle sur elle, et ce, malgré ces interdits formels.
Les maisons membres de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes sont perplexes quant à l’ambiguïté des corps policiers à intervenir de facto lorsqu’il y a dénonciations de non-respect de condition par les victimes. Nous constatons également que cette pratique est presque systématique concernant les violations relatives à un engagement de ne pas troubler l’ordre public.
Les femmes qui se rendent au poste de police pour dénoncer un non-respect font souvent face à une réaction d’ambivalence, voire de scepticisme, de la part des services de police. On leur dit qu’elles exagèrent, qu’elles s’acharnent ou qu’elles n’ont pas suffisamment de preuves (le témoignage est pourtant une preuve). Ces femmes retournent chez elle avec un sentiment encore plus grand d’impuissance, alors que le sentiment de puissance ainsi que de contrôle de l’auteur de violence ne fait qu’augmenter, favorisant des actes en escalade (envoi de dizaines de textos par jour, surveillance accrue des déplacements, appels téléphoniques au travail de la victime, etc.).
La considération par les autorités policières de la dénonciation des violations de conditions est primordiale et en accord avec l’application stricte de la loi, non seulement pour redonner aux femmes la confiance envers le système de justice, comme le prescrit le rapport Rebâtir la confiance, mais aussi pour les convaincre que de passer à travers le lourd et long chemin qu’est le processus judiciaire en matière pénale assure réellement leur sécurité, d’autant plus que les tribunaux spécialisés seront déployés dans tous les districts judiciaires du Québec.
Les femmes ont besoin d’être assurées que les services de police n’hésiteront pas à appliquer la loi. Elles ont besoin de savoir que le système de justice pénale les protège. La pratique actuelle de ne pas considérer les dénonciations pour non-respect de condition constitue non seulement une revictimisation des femmes violentées, mais une évaluation défaillante de l’impact du contrôle coercitif et, conséquemment, du risque de féminicides et de filicides.
Les violations de conditions sont des drapeaux rouges, les prendre en considération assure un filet de sécurité et peut sauver des vies. Les policiers sont des alliés et des collaborateurs de toujours. Nous savons que le ministère de la Sécurité publique révise actuellement les pratiques policières, dont celles relatives au non-respect de conditions. Qui plus est, nous sommes convaincues que la criminalisation du contrôle coercitif leur donnera les assises juridiques nécessaires afin d’assurer pleinement leur mandat de sécurité et de protection des femmes et de leurs enfants victimes de violences. Nous osons penser que l’avenir se dessine avec une diminution notable de la violence envers les femmes et des féminicides.
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