Les interviews des acteurs de l’IA juridique : la position de l’éditeur LexisNexis.

Les interviews des acteurs de l’IA juridique : la position de l’éditeur LexisNexis.

Impossible en 2024 de passer à côté des futures offres des éditeurs juridiques majeurs, à la fois parce qu’ils ont un fort volume de clients concernés par l’IA générative dans le monde du Droit et parce qu’ils ont une force de frappe mondiale par leurs ressources à la fois humaines, techniques, et de contenus juridiques incontournables dès que l’on parle de recherche juridique – mais nous le verrons, au-delà de l’information juridique, ce sont de nombreux outils quotidiens de l’avocat ou du juriste qui vont être concernés par la « Révolution IA ».

Nous avons donc échangé avec Matthieu Hallaire, Directeur Général de LexisNexis France, et Sophie Coin-Deleau, Directrice Stratégie et Partenariats, très impliquée dans les dossiers IA chez LexisNexis.

Matthieu Hallaire
Sophie Coin-Deleau

Village de la justice : 2024 sera-t-elle « l’année de l’IA » chez LexisNexis ?

Matthieu Hallaire : Oui ! Mais surtout l’année de l’IA générative, car chez LexisNexis, l’IA est intégrée depuis plus de 8 ans déjà. Et nous nous appuyons sur notre force, être les seuls à proposer un contenu de qualité et reconnu couvrant tous les domaines du droit.

Village de la justice : Mais 2024 marquera-t-elle un tournant ?

Sophie Coin-Deleau : L’IA générative est une nouvelle forme d’IA qui va coexister et créer de nouveaux cas d’usage. L’IA générative est un outil ultra-puissant pour de nombreux cas, mais nous continuons à développer l’IA en général, comme avec Case Law Analytics qui utilise des algorithmes.

Notre ambition stratégique est désormais d’intégrer l’IA dans toutes nos offres et pour tous les métiers du droit.

Matthieu Hallaire : L’éclosion de ChatGPT a démocratisé la technologie autour de l’IA générative et les métiers du droit sont identifiés comme étant des métiers particulièrement concernés. Dans ces métiers, la productivité et l’efficacité de l’utilisation du contenu sont importantes, et les « GenIA » [1] font ça.

Attention, le contenu est clé ; le sujet que nous traitons, c’est tout autant le contenu que la technologie.

Sophie Coin-Deleau : Je suis d’accord avec ça, la possibilité de produire des documents ou de faire des synthèses (la force de l’IA générative), c’est exactement ce dont ont besoin les métiers du droit.

Village de la justice : Partons du niveau « industriel ». Que se passe-t-il chez LexisNexis sur le domaine de l’IA ?

Matthieu Hallaire : Lorsque nous avons identifié le tournant majeur en cours, nous avons décidé d’investir encore plus massivement, à partir de 2023. Selon nous, c’est un tournant a minima aussi important que l’arrivée d’internet.

Cette prise de conscience – et donc de position – nous a permis de travailler tôt et de lancer une solution en octobre 2023 aux USA.

Là-bas, les retours clients le confirment : ce type de solutions peut apporter plusieurs heures de support par semaine pour les métiers du droit, de vraies économies de temps.

Sophie Coin-Deleau : Je confirme : depuis notre première version en mai 2023, la courbe d’apprentissage des professionnels est en train de se faire, mais est déjà très positive dans leurs évaluations. Une de nos études montre que les professionnels du droit voient désormais majoritairement l’IA comme un allié, pas comme un danger.

Il y a une préoccupation sur la démarche éthique et la fiabilité, qui sont identifiés comme des enjeux phares par les professionnels du droit. C’est aussi un sujet de travail chez nous.

Village de la justice : Avant de revenir sur ce dernier point des préoccupations, quelle est votre analyse de ce succès de l’IA générative ?

Matthieu Hallaire : Quand on arrive au cas d’usage aussi simple et frappant que l’IA générative, le public identifie vite qu’il y a un potentiel pour lui-même.

Il y a d’ailleurs une corrélation en termes de simplicité avec ce qui se passe dans le grand public et les applications du quotidien ; on le voit partout dans la vie personnelle, la simplicité se développe, et ça interroge pour la vie professionnelle.

S’est aussi ajoutée la rapidité de mise en production de nouveaux services, ça va plus vite avec l’IA Générative, donc des offres fleurissent rapidement, les utilisateurs sont « satisfaits » !

Ceci dit, il faut quand même que ça soit crédible, transparent (je pense à la sécurité), et là, la technologie est chère quand on parle de qualité.

Village de la justice : Voyez-vous venir un changement de modèle économique pour l’accès à l’information juridique de qualité ?

Matthieu Hallaire : C’est encore trop tôt pour le dire, on est en phase de co-construction et on joue la vitesse de proposition pour répondre à un marché en attente. Nous sommes apporteurs de solutions de business development, pour créer de la valeur pour nos clients. Je pense a priori que l’on restera sur un système d’abonnement, avec un accès optionnel aux nouveaux services dans nos outils – par exemple la nouvelle fonction d’IA (Tony) dans notre logiciel Jarvis, pour les avocats.

La mission que s’est assignée LexisNexis (au niveau mondial) est de faire avancer l’Etat de droit. Avec l’IA, on peut apporter un nouveau service, et vraiment quantifier le retour sur investissement ; les petites structures y trouveront aussi un ROI [2], comme les grandes entreprises.

Village de la justice : Est-ce que développer l’IA générative est accessible à tous ? On voit de très nombreuses entreprises s’y mettre. Ma question est, en fait, est-ce que tout le monde peut le faire ?

Sophie Coin-Deleau : C’est un très gros investissement chez LexisNexis, nous bénéficions des investissements importants du groupe international Relx dont nous sommes la filiale (le groupe investit chaque année 1,6 milliards de dollars en matière d’innovation).

Car la garantie de sécurité est un gros enjeu pour les utilisateurs (contenu, droits d’auteur, vérification de l’info, sécurisation de l’information…).

La promesse chez LexisNexis, c’est de viser 0 hallucination [3]. Ça ne se fait pas d’un claquement de doigts, contrairement à ce que laissent à penser des propos trop simplistes.

Matthieu Hallaire : Nous avons près de 2000 ingénieurs dans le monde qui travaillent sur le sujet de l’IA générative, et près de 5000 juristes, dont le métier est de vérifier le contenu généré. On intègre chaque année plus de données que Wikipedia Monde ! L’oeil humain reste incontournable, malgré l’IA générative.

Pourquoi ? Parce que l’éthique est le vrai sujet des années à venir sur les IA génératives, et apporter à ses clients en tant qu’avocat une réponse fiable est nécessaire. Comment peut-on imaginer que certains clients d’avocats aient des données moins fiables, ou fausses ? C’est un enjeu de qualité de service. Le besoin de sécurité est la clé, elle a un coût, mais la logique ROI change avec l’IA générative, car on y associe gain de temps et meilleure qualité de l’information.

Village de la justice : Closd, Caselex, Case Law Analytics, Jarvis… Il y a eu nombreuses acquisitions par LexisNexis France ; quel est le sens de tout cela dans votre gamme ?

Matthieu Hallaire : Notre ambition est de faire gagner du temps aux métiers du droit, les aider à se recentrer sur leur activité. LexisNexis France est en train de redevenir une entité globale, pas seulement une solution d’information juridique. On va, nous aussi, comme aux USA, vers des offres d’aide aux métiers du droit.

LexisNexis France est devenue très dynamique au sein du groupe mondial, le groupe investit en France.

Sophie Coin-Deleau : Nous sommes en avance en France sur la « data » (dont l’Open Data), le contenu disponible est plus étendu qu’ailleurs.

C’est un atout majeur, une donnée que l’on peut enrichir, augmenter, mettre à disposition.

Village de la justice : Quel est votre « plan de route » pour lancer complètement en France l’offre IA ?

Matthieu Hallaire : Nous lançons la version bêta dans les prochains jours. Mais déjà, nous avons lancé notre programme d’information « AI Insider », pour permettre à tous d’apprendre les dernières découvertes, développements et solutions IA qui révolutionnent le paysage juridique. L’apprentissage commence par là.

Village de la justice : Ne pensez-vous pas que cette période est un peu déstabilisante pour nombre de professionnels du droit ?

Matthieu Hallaire : Oui, comme toute évolution, et oui ça pose des questions, mais LexisNexis est là pour accompagner la transformation en cours. Et nous aurons la 1ère solution de technologie IA concrète, prête et sûre, et ce sera dans le juridique, peut-être avant ou en même temps que d’autres secteurs d’activité !

Village de la justice : Merci à vous deux de ce partage, et nous donnons rendez-vous à nos lecteurs à notre Congrès sur la Transformation du droit en novembre 2024 pour découvrir toutes les nouveautés IA de l’année… et bien d’autres.

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