L’égaconditionnalité dans les marchés publics se précise

L'égaconditionnalité dans les marchés publics se précise

Un an après les premières annonces d’Elisabeth Borne, alors Première ministre, le sujet de l’égaconditionnalité dans les marchés publics ressurgit. A l’occasion des questions au gouvernement mardi 5 mars à l’Assemblée nationale, Aurore Bergé, ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, confirmait que « les entreprises qui ont des scores inférieurs à 75 sur 100 à l’index égalité femmes-hommes se verront interdites des marchés publics ». Le lendemain, le gouvernement précisait, au sortir du Conseil des ministres, que cette nouvelle clause d’exclusion figurera dans le texte de transposition de la directive européenne sur la transparence salariale, qui devra être publié au plus tard le 7 juin 2026.

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Un index perfectible

Des annonces qui vont dans le sens des conclusions du rapport publié le 7 mars 2023 par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui dresse le bilan de l’application de l’index dit « Pénicaud » cinq ans après sa création par une loi du 5 septembre 2018. « Le Haut conseil démontre certaines lacunes de l’index, relève Pauline Dehani, experte des achats socialement responsables. Par exemple, il ne concerne pour le moment que peu de salariés, du fait de ses modalités de calcul et de la non-calculabilité déclarée de l’index, qui reste importante dans les secteurs à forte prédominance masculine. » Le rapport formule plusieurs recommandations pour l’améliorer, parmi lesquelles on retrouve la conditionnalité de « l’accès aux marchés publics des entreprises à un résultat satisfaisant à l’index ».

L’index égalité femmes-hommes concerne les entreprises de plus de cinquante salariés.

Celles-ci sont notées sur 100, sur la base de cinq indicateurs :
– l’écart de rémunération ;
– l’écart de répartition des augmentations individuelles ;
– le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé maternité ;
– la parité parmi les dix plus hautes rémunérations ;
– l’écart de répartition des promotions (uniquement pour les entreprises de plus de 250 salariés).

Efficacité discutable

Si cette mesure aurait le mérite de renforcer le poids de l’index, elle ne contribuera pas nécessairement à améliorer concrètement l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Car deux autres motifs d’exclusion des marchés publics liés à l’égalité femmes-hommes existent, dont l’efficacité paraît limitée. Le premier vise les entreprises condamnées pour des faits de discrimination de genre. Le deuxième touche les candidats qui n’ont pas mis en œuvre l’obligation de négociation sur l’égalité professionnelle prévue dans le Code du travail. Le Haut conseil déplore que ces motifs ne semblent pas « appliqués par les administrations ». Un constat légèrement nuancé par Pauline Dehani : « C’est utilisé mais les acheteurs n’en ont pas forcément conscience, c’est plus vu comme une formalité administrative que comme un outil opérationnel en faveur de l’égalité professionnelle. »

D’autres leviers existent

« L’acheteur public est en mesure d’avoir un impact plus direct qu’avec un motif d’exclusion, poursuit la consultante. D’autres outils sont mobilisables, notamment les plans de progrès et les conditions d’exécution. Ils permettent d’instaurer un dialogue sur le périmètre des prestations des salariés affectés au marché public et de laisser une marge d’initiative aux entreprises, puisqu’elles peuvent ainsi valoriser les initiatives qu’elles déploient sur le champ de l’égalité professionnelle, selon des axes de progrès identifiés par l’acheteur. »

La consultante insiste sur la nécessité de travailler en concertation avec les acteurs territoriaux de l’emploi pour adapter au mieux les exigences aux spécificités du bassin d’emploi. « Les démarches en faveur de l’égalité professionnelle ont du sens dès lors qu’il y a une dynamique sur le territoire », explique Pauline Dehani. Et dès lors aussi qu’elles sont pertinentes en fonction du secteur d’activité concerné.  « Dans le BTP, le vrai levier est celui de la mixité des métiers. Ce qui implique de s’intéresser aussi à la mixité des conditions matérielles de travail. Il est par exemple particulièrement intéressant, sur un bassin d’emploi où les acteurs territoriaux déploient des actions en faveur de la mixité des métiers (découverte métier, sensibilisation des encadrants à la mixité, réseau de marrainage des candidates, etc…), que l’acheteur prévoie en parallèle une exigence en termes de mixité des bases vies sur ses opérations. Car même s’il y a un rattrapage ces dernières années, notamment sur les fonctions d’encadrement, le secteur reste à la fois en tension de recrutement et à dominante très largement masculine, or il est  dommage pour un employeur de se priver potentiellement de la moitié de la main d’œuvre disponible ! »

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