Jacques Myard : « Le wokisme est un cancer

Jacques Myard : « Le wokisme est un cancer

Jacques Myard, ancien diplomate et ancien député, membre honoraire du Parlement actuellement maire de Maisons-Laffitte vient de publier chez Lafont Presse Éditions, le brûlot « Bye bye démocratie ».

Quel est l’intérêt pour un politicien de votre calibre, qui a tribune ouverte, de publier des livres sur des sujets politiques qui sont déjà bien souvent au centre du débat d’actualité médiatique ?

Jacques Myard : Les choses sont très simples. Un homme politique doit de temps à autre faire le point sur lui-même et sur les événements qu’il veut analyser ou qu’il veut maîtriser. Un homme politique n’est pas un spectateur ni un commentateur, il est là pour agir. Et justement, écrire un livre permet de mieux analyser les événements et de mieux poser ses propositions. Bye bye démocratie est un livre assez simple d’accès, il traite un certain nombre d’événements récents et il dénonce ce que j’appelle le comportement de « Panurge » des politiques actuels en général, qu’ils soient de mes amis ou de mes ennemis d’ailleurs, mais aussi des Français au travers de « l’opinion publique ».

Qu’entendez-vous, Monsieur Myard, par l’expression «comportement de Panurge»? En référence aux moutons?

Je suis stupéfait de voir à quel point la société, de temps à autre, s’engoue pour une idée ou  une décision et donc pour un cap à suivre, pour finalement réaliser quelques années plus tard qu’elle s’est trompée, et d’un coup décider de faire marche arrière. Je crois que le propre du politique est de prendre du recul. De prendre du recul et de réfléchir. Et non de se prendre de passion et de s’engager sans réfléchir. Et actuellement, nous assistons à ce phénomène de Panurge que je décris et qui s’avère extrêmement nocif, que ce soit au niveau national ou international. Et aussi bien au niveau diplomatique que politique, ociétal ou financier.

Quel est votre rapport au livre et à la littérature, à titre personnel ?

Personnellement, je vois le fait d’écrire un livre comme un acte de création. Qui permet d’exprimer des idées avec le plus de clarté possible. À ce propos, je cite souvent Voltaire qui disait qu’« un bon livre est celui que le lecteur écrit de moitié » ! Je pense aussi volontiers qu’un livre est un outil de pédagogie. Et qu’il doit amener le lecteur à réfléchir. Pour mon domaine d’activité, je crois qu’un livre doit marquer une position et une réflexion politique et aussi une philosophie. Pour moi, le livre est irremplaçable dans l’Histoire de l’Humanité. Écrire un livre est un acte politique.

Quelle est votre lecture du moment?

Hannah Arendt qui me pousse à réfléchir sur la naissance du mal et du totalitarisme. Et qui m’interroge sur le fait qu’une personne des plus ordinaires peut devenir le pire des bourreaux.

Au quotidien, écrivez-vous l’intégralité de vos textes ou faites-vous appel à des collaborateurs?

La totalité de mes discours comme des publications qui me sont propres sont de mon fait et je ne fais jamais appel à un tiers pour porter mes idées sur le papier.

Avant d’aborder votre dernier livre, voici une dernière question : vous êtes connu pour vos prises de position politique, qui parfois vont à contre-courant de la tendance bien-pensante sociétale et médiatique ambiante. Avoir le courage de ses idées, ses opinions, est-ce que cela tend à disparaître en politique?

Cela m’est arrivé à plusieurs reprises de ne pas aller dans le sens des opinions de ma famille politique, et de voter « non » alors que la majorité votait « oui ». Ce qui est important dans le monde politique et dans l’exercice de la politique, c’est d’être cohérent avec ses propos. Et que les actions soient cohérentes avec les idées. Et de ce point de vue-là, on ne pourra pas me prendre à défaut. Je n’ai jamais changé d’idées sur les points essentiels de ma ligne politique.

Pour moi, la France doit rester une nation indépendante, et elle ne doit pas se fourvoyer dans des alliances ou des guerres qui ne sont pas les siennes. Mon combat est le même depuis des lustres, à savoir : il faut que la France garde la maîtrise de son destin. Et la cohérence est une force qui permet cela. On ne pourra pas dire de moi que je suis une girouette, ma ligne politique est tracée depuis 40 ans et je n’en ai pas changé.

Dans la thématique de votre brûlot Bye bye démocratie, il revient à plusieurs reprises vos réflexions sur la cohésion sociale. Selon vous, Monsieur Myard, où en sommes-nous justement aujourd’hui avec la cohésion sociale?

Ce qui serait bon pour la cohésion sociale, ce serait de mettre de « l’ordre dans la boutique », si j’ose dire. Ce qui manque le plus aujourd’hui en France, c’est un projet social politique cohérent. Qui s’adresserait à chaque Français, et ce, quelles que soient leurs origines ou leurs appartenances de classe sociale. Il faudrait aussi mettre en place une politique des revenus équitable et une justice fiscale. Il faudrait aussi enseigner à la population ce qu’est le socle national.

Qui est une garantie de la liberté collective et individuelle. C’est-à-dire qu’il faut revenir sur des fondamentaux que ce gouvernement a oubliés… La nation est le socle de la démocratie ; j’en veux pour preuve que nous voyons aujourd’hui les limites de la mondialisation et les souffrances qu’elle engendre sur les populations. Le bien commun pour tous les citoyens de notre pays est notre indépendance nationale. Notre socle national trouve ses racines dans le passé, se développe dans le présent et se projette dans l’avenir. Il est d’une importance capitale pour la bonne marche de la démocratie française.

Je me sens et je me suis toujours senti profondément français, et notre richesse nationale qui concentre tous nos acquis, tout notre passé et qui englobe notre présent, c’est à nous de la défendre et de la faire fructifier pour son avenir. C’est pour ça que je ne tolère aucun séparatisme, qu’il soit citoyen ou d’État, à partir du moment où les réflexions et les décisions qui en découlent ne vont pas dans ce sens. J’invite ceux qui ne se sentent pas français à reconsidérer leur position ou à quitter notre pays, puisqu’ils n’en veulent pas.

Nous savons aujourd’hui, en consultant les résultats du premier institut de sondage venu dévolu aux intentions de vote des Français, que le Rassemblement National est en passe de prendre la tête de nombreuses régions françaises, voire de la nation. Quelle est votre opinion sur ce sujet?

Vous savez, pour moi, c’est très simple… si les Français mettent aujourd’hui le Rassemblement national en tête des sondages pour les Européennes, la seule question que l’on doit se poser est la suivante : comment se fait-il que le Rassemblement national soit en tête des intentions de vote ? Et la réponse qui y correspond est celle-ci : cela veut dire que le gouvernement actuel a déçu les Français sur sa politique concernant les flux migratoires, l’immigration en elle-même et la sécurité.

Et ce n’est vraiment pas une surprise. Je crois qu’aujourd’hui, il est inutile de tomber dans l’hypocrisie par rapport à ce sujet. Le Rassemblement national fait des propositions qui peuvent séduire certaines catégories de la population française et il faut en tenir compte dans la réflexion politique globale elle-même. Le gouvernement des présidents Hollande, Sarkozy et Macron ayant déçu consécutivement la majorité des Français, c’est effectivement une forte probabilité que de voir le Rassemblement national gagner un terrain électoral non négligeable. Ce qui m’amène aussi à dire quelques mots sur l’Europe, et de préciser une idée : nous avons besoin de coopération européenne et non d’un intégrisme européen.

L’Europe telle que nous la connaissons est au bord de l’implosion. Elle est malade. Mais pour en revenir aux élections européennes, il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l’eau du bain… nous savons par expérience que les résultats d’une élection ne se reportent pas nécessairement sur l’élection suivante, et ce, quelle que soit l’importance de l’élection suivante, et que nul aujourd’hui n’est en mesure de dire comment les choses vont évoluer. Ce que j’observe simplement, c’est que le parti « de la Renaissance » est plutôt un avis de décès annoncé.

Les familles politiques traditionnelles de droite comme de gauche ont beaucoup souffert électoralement ces dernières années. Selon vous, quelles en sont les raisons principales ?

Peut-être parce que le macronisme régnant est indéfinissable. Et que justement on n’arrive pas à savoir où se trouve la gauche ou la droite de son action politique. C’est un mélange de genres. Confus… qui s’est accentué avec le macronisme, mais qui a commencé en réalité avec la promulgation du traité de Lisbonne (NDLR : Le traité de Lisbonne est un traité signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne entre les vingt-sept États membres de l’Union européenne, qui transforme l’architecture institutionnelle de l’Union), qui est un déni de démocratie.

Et tout le problème est là : les politiques affirment des choses, font voter les Français et en finalité, font le contraire de ce qu’ils ont annoncé. À ce traité se sont succédé les politiques de Sarkozy, de Hollande et de Macron, qui en sont de dignes représentants, puisqu’ils ont concédé la direction de notre pays à la technocratie européenne. La conséquence directe est que l’institutionnel comme nous le connaissions avant tout cela n’existe plus. Les lois ne font plus la loi. Et les minorités gagnent chaque jour du terrain sur la majorité.

Beaucoup de Français pensent et déduisent, à cause de l’appareil législatif et judiciaire en exercice, que les minorités actives ont plus de poids que la majorité. Qu’en pensez-vous?

Que les juges ont trop de pouvoir ! Et qu’ils devraient en faire moins. Je crois qu’aujourd’hui, l’institutionnel est décrédibilisé. Et justement, parce que l’appareil juridique et législatif apporte plus de crédit à des ONG qui bien souvent ne représentent qu’elles-mêmes, comme à des associations qui se statufient d’elles-mêmes sur le socle de la vérité, qu’à l’institutionnel lui-même.

À chaque propos d’un ministre passant dans les médias est mis en opposition un représentant d’une ONG ou d’une association représentant une minorité… comment voulez-vous que le message de l’institution gouvernementale soit clair pour les Français ? À un moment, il faut cesser de prendre ces représentants pour les gardiens du temple… Il y a plus de 70 000 ONG dans le monde… Et seulement quelques centaines d’associations ou groupements étatiques… les élus sont mis à mal à longueur de temps dans leurs exercices et c’est extrêmement dangereux… cela peut conduire à favoriser la mise en place d’une dictature… c’est aussi ce que j’explique dans mon livre Bye Bye démocratie.

La jeunesse semble perdue, non seulement en termes de citoyenneté, mais aussi en termes de genre…

La confusion mentale règne et elle est le reflet de la société actuelle. Les troubles sont importants, et les manipulations sont nombreuses tout autant que malveillantes. À un moment, il faut s’arrêter. Et reconnaître l’ordonnancement naturel des choses comme l’écrivait Chateaubriand, et cela passe aussi par le respect et la confiance dans et pour une autorité bienveillante. Comme on ne réécrit pas l’Histoire pour s’arranger avec elle. Le wokisme est un cancer. Et il stigmatise grandement notre société. Comme il favorise une perte d’adhérence de la jeunesse à la réalité.

Monsieur Myard, merci d’avoir répondu à mes questions… un dernier mot pour la conclusion de cet entretien, notamment sur vos projets politiques?

Eh bien, je suis le maire de Maisons-Laffitte, et j’entends bien le rester, et j’ai un objectif politique, c’est de chasser la Macronie de la France ; et j’ai bien l’intention de me présenter aux élections législatives, et de faire mettre à pied les députés « de circonstances » qui y siègent actuellement. Je veux aussi combattre le système de la proportionnelle, qui n’est que « magouilles » et absurdités. J’accepte de perdre des élections, j’ai perdu une fois, dans un scrutin uninominal à deux tours, et je l’ai accepté… Mais je ne peux pas admettre de voir le pays se rendre ingouvernable par la proportionnelle. Je tiens à ce que les élus aient les coudées franches dans leurs décisions, et ne deviennent pas de simples marionnettes. La proportionnelle, c’est la dictature des apparatchiks, et pour ma part, je fais tout pour que ce projet ne passe pas.

Propos recueillis par Yoann Laurent-Rouault, directeur littéraire et biographe pour Lafont Presse Éditions et JDH Editions

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