La planète Bardolle, située non loin des étoiles Diogène, Cioran et Muray, tourne autour de la Terre et nous livre de temps à autre le résultat de ses observations — citons De la prolifération des homoncules sur le devenir de l’espèce (2008) ou L’Agonie des grands mâles blancs dans la clarté des halogènes (2012).
Bien des penseurs ont vécu une nuit de la révélation, un moment où la plus vive clarté se met à briller au milieu des ténèbres. L’auteur confirme ici la règle, mais à sa manière très singulière, faite d’ironie et de gravité présentée sous les dehors du futile.
En cette nuit de Cannes, la femme qui émerge enfin de la salle de bains pour rejoindre l’amoureux transi (et à demi assoupi dans son lit d’hôtel) n’entretient plus qu’un lointain rapport avec la sublime créature qui y était entrée deux heures plus tôt. Car, exposée dans le plus simple appareil des accessoires, prothèses et autres artifices d’un cyborg de charme, « elle accepte, soulagée, de faire devant moi, et sous mon regard compréhensif, l’inventaire de toutes les modifications physiques accomplies par elle au fil du temps afin d’attirer l’attention de manière irrésistible, non seulement des hommes, mais aussi, et peut-être surtout des femmes ».
Se demander La Beauté, pour quoi faire ? revient dès lors à chercher les raisons pour lesquelles l’autre moitié du ciel s’inflige pareils traitements.
À l’heure où le néoféminisme clame sur tous les tons que la biologie est une invention du patriarcat honni, la réponse donnée par Olivier Bardolle risque de faire grincer bien des dents (blanchies ou pas). Tout comme le réchauffement climatique libère du permafrost des bactéries endormies depuis des millénaires, la postmodernité redonne vigueur à des conceptions de l’existence parmi les plus régressives.
« La beauté a une forte valeur sur le marché »
Des sites spécialisés mettent en relation de très jeunes filles et des protecteurs rebaptisés dans la novlangue en vogue sugar daddies : « C’est ainsi le paradoxe du phénomène Metoo qui en voulant libérer la femme des excès de tous genres des mâles déchaînés provoque un renforcement de la prostitution encadrée et en ligne par l’annulation de la phase de séduction et de l’équivoque naturelle liée à la rencontre entre les sexes. »
Plus généralement, la pression exercée par la mode et la publicité implante dès l’adolescence dans les têtes que « la beauté a une forte valeur sur le marché. Valeur qu’il s’agit de monnayer au mieux dans sa vie sentimentale et professionnelle ». Le célèbre slogan « Parce que je le vaux bien » se prolonge en : « Il me veut, il paye, c’est normal. »
Une chroniqueuse télévisuelle a ainsi récemment déclaré qu’il était impensable pour elle de régler (ou même de partager) une addition de restaurant — l’homme de compagnie s’y refuserait-il qu’elle ferait le tour de l’établissement pour trouver un autre mâle moins progressiste. Pour résumer, conclut Bardolle en citant Simone de Beauvoir, jamais « le rêve d’une réussite passive » n’a été plus vivace. Les voies du sexisme sont décidément impénétrables.
Tout comme ses maîtres à vivre ou à écrire plus haut cités, notre moraliste tire de l’étude des paradoxes et des ridicules de l’époque une hygiène philosophique, une manière de se tenir à juste distance du monde.
La beauté, pour quoi faire ? Olivier Bardolle, Selena éditions, 100 pages, 12 euros.
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