Egalim : à quoi va servir la mission gouvernementale

Egalim : à quoi va servir la mission gouvernementale

Un calendrier serré pour des objectifs ambitieux

  • À la différence d’une mission parlementaire confiée par les commissions des assemblées (économique, etc.), cette mission a été décidée par le gouvernement.
  • Elle vise à faire un état des lieux et des préconisations, qui auront pour résultat des décrets ou une modification de la loi existante.
  • Une réunion hebdomadaire est prévue avec les représentants de l’Agriculture et de Bercy. 
  • Les auditions vont durer jusqu’à fin mai. Une fois le rapport rendu, un projet de loi devrait être présenté avant l’été.

Pendant neuf jours, la députée de Charente-Maritime et le député de l’Essonne ont quadrillé le Salon de l’agriculture à Paris. Munis de leur lettre de mission envoyée par le Premier ministre, Gabriel Attal, Anne-Laure Babault et Alexis Izard ont écouté les agriculteurs, industriels, transformateurs et le seul distributeur présent, Lidl. « “Ne changez pas tout”, “Ne complexifiez pas tout”, voilà ce que nous avons entendu », racontent, de concert, les deux élus interviewés par LSA, qui ont ressenti « une vraie attente ». « Arrêtons de parler d’Egalim 1, 2, 3, 4, s’agace Anne-Laure Babault, qui connaît bien toutes ces lois pour avoir négocié en direct lorsqu’elle travaillait chez Léa Nature, entre 2016 et 2021. Une loi est mouvante et s’adapte au contexte. »

Entre 2018, date de la première loi Egalim et aujourd’hui, la pandémie du Covid et la guerre en Ukraine ont évidemment compliqué les choses et accru la volatilité des cours des matières premières, notamment. C’est dans ce contexte et pour répondre à la colère du monde agricole que le Premier ministre, Gabriel Attal, a décidé de lancer cette mission. Le donneur d’ordre a son importance : à la différence d’une simple mission parlementaire ou d’une commission d’enquête dont la fonction est d’évaluer des dispositifs sur des sujets précis, une mission gouvernementale a pour but de dresser un état des lieux et de faire des préconisations. Elle débouche forcément sur quelque chose, une modification de la loi, un nouveau texte, sans compter la possibilité de prendre des décrets, outils plus rapides que les deux députés comptent bien utiliser. 

À leur disposition, deux inspecteurs généraux des finances rattachés au ministère de l’Agriculture et à Bercy, ainsi que les services de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), de la Direction générale des entreprises du ministère de l’Économie et de la Direction générale de la performance économique et environnementale rattachée à l’agriculture. Ouf ! 

Des auditions tous azimuts

Les deux députés vont se pencher sur toutes les lois concernant les négociations commerciales depuis… 2005. Dès cette semaine, ils vont convoquer, sans qu’ils soient obligés de venir, anciens ministres de l’Agriculture (Stéphane Travert sera l’un des premiers), députés et rapporteurs qui ont déjà travaillé sur le sujet (Jean-Baptiste Moreau, Grégory Besson-­Moreau, Frédéric Descrozaille, Julien Dive…), et tous les représentants de l’amont à l’aval (filières agricoles, transformateurs, industriels, distributeurs jusqu’aux consommateurs). « Nous avons le système le plus cadré d’Europe et les négociations les plus tendues. Il faut comprendre pourquoi, tout en maintenant notre souveraineté alimentaire et en améliorant les revenus des agriculteurs », ­explique Alexis Izard. 

À cette feuille de route s’ajoute le désir de simplifier, « encadrer sans faire une usine à gaz », ajoute Anne-Laure Babault, qui ne s’interdit rien. « Nous irons à la Commission européenne et essaierons de rencontrer les dirigeants des centrales d’achats européennes… s’ils veulent bien. Il faut responsabiliser les patrons de la grande distribution sur la souveraineté alimentaire pour qu’ils utilisent les matières agricoles françaises en priorité. » Les ténors de la grande distribution seront-ils obligés de répondre par l’affirmative à la convocation des députés ? « Non, puisque ce n’est pas une commission, mais comme ils s’organisent pour faire un lobbying massif, ils viendront sûrement… », sourit Alexis Izard. 

Mieux répartir la valeur

Conscients que la grande distribution traite moins de 40 % des produits issus de l’agri­culture, les deux missionnés comptent bien s’atteler au sujet de la restauration hors domicile et des grossistes. « Ils nous ont demandé à être auditionnés », précise Anne-Laure Babault. Pour mieux répartir la valeur entre les acteurs de la chaîne alimentaire, de multiples questions se posent. Surtout, comment fixer les coûts de production ? Les deux députés préfèrent utiliser le terme de « prix de référence » plutôt que « prix plancher ». « Le revendeur final n’a pas le droit de revendre à perte, les agriculteurs non plus, mais parfois ils ont besoin de décharger leur récolte. Il ne faut pas ajouter de la contrainte. Plus le système sera fermé et plus il y aura de pénuries et d’importations. »

L’équation à laquelle la mission gouvernementale doit répondre est complexe. « Les questions de la souveraineté alimentaire et de la compétitivité de nos exploitations sont liées », conclut ­Anne-Laure Babault, qui travaille aussi sur la loi d’orientation agricole, présentée en Conseil des ministres le 27 mars. Mission impossible ? En tout cas, Anne-Laure Babault et Alexis Izard ne s’interdisent rien et sont déterminés à être « innovants », pour reprendre leur propre mot.

Qui sont les deux députés mandatés ?

Anne-Laure Babault

Une fois n’est pas coutume pour un député, Anne-Laure Babault connaît bien les box de négociations pour avoir travaillé pendant douze ans chez Léa Nature. D’abord cheffe de produit, elle évolue ensuite au marketing, où elle est en lien avec toutes les enseignes, puis comme responsable compte clé où elle négocie pour l’épicerie et les liquides avec la centrale d’achats AMC de Casino et avec Provera (Cora). Conseillère municipale de Salles-sur-Mer, à côté de La Rochelle, cette Charentaise de cœur est élue députée Modem en 2022, à l’âge de 40 ans. Dans sa « circo », qui va de Rochefort  au nord du département, se trouvent 67 communes, très agricoles. Avoir travaillé dans une entreprise engagée sur  le plan écologique lui confère une légitimité sur tous les sujets liés à l’agriculture  et à l’alimentation. 

Alexis Izard

Jeune homme pressé, élu député à 30 ans sur les listes Renaissance, Alexis Izard  a travaillé pendant cinq ans pour BPI France, après des études d’économie et de finance. Originaire de l’Essonne, il se présente deux fois aux municipales et perd deux fois, avant d’être élu député aux dernières législatives. « Marcheur » de la première heure (dès 2016), Alexis Izard, qui aime pratiquer la boxe quand il a le temps, compte bien utiliser sa circonscription – Brétigny-sur-Orge et Dourdan –, comme laboratoire. Une centaine d’exploitations agricoles, et quelques gros industriels agroalimentaires, y sont installés.

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