Les décisions d’affectation sont les décisions par lesquelles les élèves sont affectés dans un établissement scolaire.
L’affectation se fait en principe en croisant la carte scolaire définie par le conseil municipal ou par le rectorat et le lieu de résidence de l’élève [1].
Une décision d’affectation peut être contestée par les parents de l’élève – le cas échéant représentés par un avocat. Les parents de l’élève peuvent saisir par voie amiable l’autorité responsable de l’affectation. Il est également possible de saisir le tribunal administratif notamment par voie de référé suspension en cas d’urgence au regard de la proximité de la rentrée scolaire.
Plusieurs arguments juridiques peuvent être soulevés pour obtenir l’annulation – ou la suspension en urgence – de la décision, selon que l’enfant a été ou non affecté dans son secteur ou district.
Incompétence de l’auteur de la décision d’affectation.
Toute décision d’affectation doit être prise par l’autorité compétente. Pour les écoles primaires et maternelles, la décision d’affectation est prise par le maire. A noter, c’est le maire de l’école qui est compétent et non le maire du lieu de résidence. Le Tribunal administratif de Poitiers jugeant en ce sens qu’« Aucune disposition n’autorise le maire de la commune de résidence à refuser l’inscription des enfants de ses habitants dans l’école de la commune d’accueil dès lors que la décision relative à la scolarisation relève de la compétence du maire de cette dernière » [2].
Pour le collège et le lycée, la décision d’affectation est prise par le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) [3]. Toute décision d’affectation prise par une autre personne sera annulée pour incompétence.
Motivation de la décision d’affection.
La décision d’affectation peut également être contestée si elle n’est pas suffisamment motivée, pour défaut ou insuffisance de motivation. En effet, tant le refus de dérogation à la carte scolaire que le refus d’inscription dans le district d’affectation, sont soumis à l’obligation de motivation, c’est-à-dire, comporter les circonstances de faits et de droit qui la fondent.
A titre d’exemple, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision qui se bornait à indiquer comme motivation que « les vœux présentés par les parents sont refusés sans indiquer pour quels motifs » [4].
Dans le même sens, la décision prise via le système Affelnet affectant un élève dans un établissement non demandé doit être motivée, a jugé le Tribunal administratif de Paris [5].
Le juge vérifie que l’administration a bien examiné et instruit les demandes, et censure l’hypothèse en cas de « défaut d’examen circonstancié de leur demande » [6].
En revanche si un élève est affecté conformément à la carte scolaire dans un établissement de son district, il ne pourra pas reprocher le défaut de motivation, l’obligation de motivation n’étant pas dans ce cas applicable.
L’affectation au sein de son district.
Pour le secondaire, il est prévu par le Code de l’éducation que « les collèges et les lycées accueillent les élèves résidant dans leur zone de desserte ». Pour les écoles primaires et maternelles, l’article L212-7 du Code de l’éducation prévoit que « dans les communes qui ont plusieurs écoles publiques, le ressort de chacune de ces écoles est déterminé par délibération du conseil municipal ».
Les élèves disposent ainsi d’un droit absolu à être scolarisé dans un établissement de leur secteur ou district de résidence [7]. Ainsi, l’absence de place n’autorise pas l’administration à refuser une place à un élève dans son collège de secteur [8].
Le DASEN et le rectorat ne peuvent en outre pas traiter comme une demande de dérogation le cas d’une famille qui a déménagé et qui souhaite inscrire son enfant dans le lycée dont dépend la zone de desserte de son nouveau domicile [9].
Enfin, un élève ne perd jamais le droit à l’inscription dans son collège ou lycée de secteur – quand bien même il a été scolarisé hors secteur [10].
L’élève n’a en revanche pas la possibilité de choisir l’établissement s’il existe plusieurs établissements dans son district. Le maire ou le DASEN peut ainsi légalement refuser les demandes d’affectation dans un établissement particulier, si l’élève est bien affecté dans un établissement de son district, en cas de manque de place dans l’établissement scolaire demandé.
Voici ce que juge classiquement le juge dans ces types d’affaires :
« Si les élèves bénéficient du droit d’être affectés dans un lycée du district dont leur lieu de résidence relève, ils ne sauraient avoir, compte tenu du nombre limité de places, la liberté de choisir leur affectation, au sein de ce district, dans un lycée particulier. Dès lors, le refus d’affecter un élève dans le lycée correspondant à son ou ses premiers choix, lorsque cet élève est néanmoins affecté dans un lycée de son district, en particulier lorsque celui-ci fait partie des choix formulés par l’élève, ne saurait être regardé comme le refus d’un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir » [11].
Reste que le maire ou le rectorat doivent être en mesure de rapporter la preuve du manque de place. A défaut, leur décision encourt l’annulation.
Le droit au maintien de l’affectation suite à un déménagement.
Les articles L212-8 et R212-21 du Code de l’éducation prévoient s’agissant des écoles maternelles et primaires que
« La scolarisation d’un enfant dans une école d’une commune autre que celle de sa résidence ne peut être remise en cause par l’une ou l’autre d’entre elles avant le terme soit de la formation préélémentaire, soit de la scolarité primaire de cet enfant commencées ou poursuivies durant l’année scolaire précédente dans un établissement du même cycle de la commune d’accueil ».
Ainsi, un maire ne peut refuser la poursuite de la scolarité d’élève dans une école de sa commune, quand bien même ces derniers n’y résident plus [12].
L’affectation hors district : le cas des dérogations scolaires.
Un élève peut être affecté hors de son district lorsqu’il demande une dérogation en ce sens, comme prévu notamment à l’article D211-11 du Code de l’éducation.
Cela ne peut en revanche pas lui être imposé puisqu’il dispose d’un droit à être affecté dans son secteur ou district de résidence.
La gestion des dérogations est par ailleurs encadrée et ne doit pas méconnaitre le principe d’égalité. Dans une affaire le critère du lieu de travail des parents avait été pris en compte pour certaines demandes et refusé pour d’autres, ce qui a entrainé l’annulation du refus de dérogation [13].
Ainsi, si une demande de dérogation a été acceptée pour un motif, le principe d’égalité contraint l’administration à l’accorder aux autres parents qui invoquent le même motif.
Ce fut le cas pour un refus de demande motivé sur le temps de trajet [14] ou pour un refus de demande fondée sur un rapprochement de fratrie [15].
Le juge vérifie également le respect des priorités des critères définis pour la dérogation [16]. Dans une décision du 11 juillet 2022, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que le rectorat doit respecter la hiérarchie des motifs de dérogation à la carte scolaire sous peine de voir ses refus annulés [17].
Enfin, s’il reste des places suite à l’affectation des élèves prioritaires, alors d’autres élèves, par dérogation, doivent pouvoir y être affectés à leur tour. Le juge censure une refus de dérogation alors que la directrice ne démontrait aucunement que les capacités d’accueil du lycée proposant l’option « danse » était atteintes [18].
Santé, handicap, langues vivantes, projets sportifs : la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.
La décision d’affectation, dans le district/secteur ou hors de ce dernier doit toujours respecter l’intérêt supérieur de l’enfant, garanti par la convention internationale de New York relative aux droits de l’enfant.
L’intérêt supérieur de l’enfant serait méconnu par exemple si l’affectation allait à l’encontre de la sécurité de l’enfant ou contredisait un avis médical. Ce fut le cas pour un élève qui ne peut être affecté dans un collège loin de l’hôpital où il suit des soins réguliers [19]. Un temps de trajet excessivement long pourrait également méconnaitre l’intérêt supérieur de l’enfant.
Ainsi, le tribunal administratif a pu censurer le refus d’un maire d’accorder une dérogation à la carte scolaire en raison du harcèlement subi par deux enfants de la même fratrie au sein de l’école de secteur [20].
Un tribunal administratif a pu dans le même sens, censurer une décision d’affectation qui privait l’élève de la possibilité de poursuivre un parcours sportif d’excellence [21].
Un autre tribunal a annulé une décision d’affectation dans un lycée ne proposant pas la bonne langue vivante [22].
Dans une décision du 8 juillet 2022, le Tribunal administratif de Nice censure quant à lui un refus de dérogation à la carte scolaire pour un enfant en maternelle dès lors les parents n’avaient pas de solution de garde alternative pour leur enfant ou d’accompagnement à l’école maternelle de secteur [23].
Dans le même sens, il a été jugé que le maire devait accorder la dérogation quand les horaires de travail des parents n’étaient pas compatibles avec les horaires de l’école [24].
Rupture d’égalité.
Il est également possible d’obtenir l’annulation d’une décision d’affectation en cas de rupture d’égalité. Ainsi, le juge a censuré le traitement différencié et non justifié d’élèves demandant une inscription en classe à horaire aménagée (classe CHAM) [25].
Absence d’affectation : les cas de déscolarisation.
A côté de ces décisions d’affectation, existe l’hypothèse d’absence de toute affectation de l’élève, qui entraine une situation de déscolarisation. Cette absence d’affectation est bien entendu illégale puisque l’instruction est un droit fondamental y compris si l’enfant est âgé de plus de 16 ans. Les parents de l’élève peuvent dans ces hypothèses obtenir une affectation en recourant à la procédure d’extrême urgence du référé liberté [26].
Le référé liberté peut également être utilisée pour obtenir une décision d’affectation requise par un élève en situation de handicap [27].
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