Cinéma français : retour sur les années 1980

Cinéma français : retour sur les années 1980

Les cinéphiles sont à la fête. On n’a jamais eu autant de films de patrimoine édités en vidéo dans des copies restaurées. Depuis quelque temps, de nombreux classiques apparaissent dans des éditions de prestige enrichies de bonus. En 2022, Jérôme Wybon a lancé une collection consacrée aux films français, « Nos années 1970 ». Fort du succès de cette collection de 36 titres rares qui s’achèvera en mars 2025, il a lancé « Nos années 1980 », une décennie – à la fois adorée et controversée.

Pas de quoi arrêter le directeur de cette collection qui défend ardemment le cinéma français de cette époque, souvent qualifié de vulgaire, clinquant, superficiel, clipesque ou publicitaire. Pour lui, cette décennie a été, au contraire, un véritable champ d’expérimentations.

Et une période très féconde, qui a révélé un grand nombre d’acteurs et de réalisateurs. Sa collection propose pour sa première fournée six longs-métrages passionnants : Rue barbare, Le Choix des armes, Une étrange affaire, Josepha, Le téléphone sonne toujours deux fois et Pour 100 briques, t’as plus rien

Nombreux bonus

À l’autre bout du fil, Jérôme Wybon dévoile ses intentions : « “Nos années 1980” repose sur le même principe que la collection “Nos années 1970” : explorer une décennie du cinéma français en piochant dans le catalogue de Studiocanal. Il y avait une volonté de poursuivre cette aventure et de proposer un large panorama de films emblématiques de cette époque, parfois oubliés. Je trouvais intéressant de rééditer des films qui étaient devenus introuvables. De les remettre en lumière. Certains d’entre eux étaient déjà sortis en DVD il y a quinze ou vingt ans. Mais ils avaient disparu. Le prix de ces films a, d’ailleurs, flambé sur le marché de l’occasion, du fait de leur rareté ! »

« De plus, c’était l’occasion de les éditer pour la toute première fois en Blu-ray dans des copies restaurées en haute définition, poursuit-il. On a décidé aussi de sortir des titres inédits. Des longs-métrages qui n’avaient jamais été édités en DVD, comme Josepha (1982), de Christopher Frank, avec Miou-Miou – sorti le 18 septembre dernier –, un film méconnu situé dans le monde du théâtre qui est, pour moi, un vrai coup de cœur. Mais aussi Je vais craquer (1980), la comédie avec Christian Clavier tirée d’une BD de Gérard Lauzier – prévue pour le 4 décembre prochain. Il fallait rendre visibles ces films de la meilleure manière possible, techniquement et éditorialement. »

Jérôme Wybon détaille encore le projet : « On trouve de nombreux bonus sur ces éditions. Cela coûte assez cher de restaurer des films et ça prend du temps. Ce qui rentabilise ces restaurations, ce sont les ventes de ces films aux chaînes de télévision. Mais il existe aussi un marché de niche pour un public amateur de Blu-ray. Des cinéphiles qui ne veulent pas voir un film sur petit écran, avec le logo de la chaîne en haut de l’image et des coupures publicitaires. »

« Parfois, il est difficile de sortir un film : il n’y a pas de matériel disponible, souligne-t-il. Son potentiel commercial n’est pas assez fort. Ou bien les droits sont bloqués pour des raisons juridiques. Il y a souvent des conflits entre héritiers. Il faut du temps pour mettre tous ces gens autour d’une table et résoudre les problèmes. Certains films prenaient un peu la poussière. Ils n’existaient plus que dans la mémoire de quelques spectateurs, qui en gardaient un souvenir ému. Il y a, du coup, une volonté de proposer ces films populaires à un prix abordable : 16,99 euros. Chaque trimestre, on sort une vague de trois films. J’essaye de mélanger les genres (comédie, drame, film policier…). Et chaque titre est tiré à 2 000 exemplaires. »

La mutation du cinéma tricolore

Lorsqu’on interroge Jérôme Wybon sur ce qui différencie les années 1970 des années 1980 en France, il répond sans hésiter : « La volonté chez les réalisateurs d’être un peu plus ambitieux visuellement que leurs aînés dans les années 1970, en tournant notamment dans un format plus large comme le CinémaScope. C’est flagrant avec l’arrivée de Luc Besson, Jean-Jacques Beineix et Jean-Jacques Annaud. Au début des années 1980, il y a eu aussi l’apparition du Steadicam et l’invention de la Louma par deux Français : une caméra fixée sur une grue et munie d’un système de contrôle à distance. Sans oublier le Dolby Stéréo ! Bref, ces nouveaux outils ont permis à une jeune génération de cinéastes de changer l’aspect visuel et sonore de leurs films. »

À cette époque, quels sont les polars qui triomphent sur les écrans ? « C’est La Guerre des polices (1979), de Robin Davis, qui amorce la grande vague des polars français dans les années 1980, explique Jérôme Wybon. On y voit pour la première fois des flics en jeans et baskets. On va les revoir par la suite dans La Balance (1982), de Bob Swaim. Mais, hélas, tout s’arrête fin 1989 quand Navarro[le commissaire de police joué par Roger Hanin dans la série de TF1, NDLR] prend le relais à la télévision. Il n’y aura plus de films policiers dans les années 1990 en France, à part deux ou trois tentatives. Dommage. »

Années 80 : le Top 5 de Jérome Wybon
– La Femme flic (1980), d’Yves Boisset, avec Miou-Miou.
– Garde à vue (1981), de Claude Miller, avec Lino Ventura et Michel Serrault.
– Clara et les chics types (1981), de Jacques Monnet, avec Isabelle Adjani.
– Josepha (1982), de Christopher Frank, avec Miou-Miou.
– Trop belle pour toi (1989), de Bertrand Blier, avec Gérard Depardieu, Josiane Balasko et Carole Bouquet.

Et quid du côté des comédies ? « Il y a eu aussi un grand bouleversement dans les années 1980, note Jérôme Wybon. Dans les années 1970, il y avait eu le triomphe de Pierre Richard et des Charlots au box-office. Avec la mort de Louis de Funès en janvier 1983, le champ est libre pour une nouvelle génération de comiques. Du coup, ces années-là vont être la décennie de la troupe du Splendid – même si Les Bronzés et Les Bronzés font du ski datent de la fin des années 1970. Ensuite, les membres du Splendid se sont séparés après Le Père Noël est une ordure, en 1982. Mais ils ont fait chacun une belle carrière solo et apportent un renouveau à la comédie en évoquant les problèmes du quotidien : chômeurs à la recherche d’un emploi comme le regretté Michel Blanc dans Viens chez moi, j’habite chez une copine [1981] et Marche à l’ombre [1984]. C’est aussi le cas de Gérard Jugnot dans Pour 100 briques, t’as plus rien[1982]. »

Nouveaux visages, nouveaux comédiens

La réalité sociale du début des années 1980 en France est clairement présente dans ces comédies. « On parle de la récession, des galères de logement, des petits boulots, des sans domicile fixe, détaille Jérôme Wybon. Ce qui n’était pas du tout le cas dans les comédies d’Yves Robert, dix ans auparavant. Un éléphant ça trompe énormément[1976], c’est très drôle. Mais le film prend pour héros quatre potes qui n’ont jamais de problèmes de fric. Ce sont de grands bourgeois qui vivent à Paris dans des appartements cossus de 200 mètres carrés, jouent au tennis et font du cheval. Sa suite, Nous irons tous au paradis [1977], montre la bande d’amis faisant l’acquisition d’une maison de campagne. Guy Bedos y retrouve au fond d’un placard… des lingots d’or ! [Rires.] »

À noter également que les années 1980 ont révélé de nouveaux visages et de nouveaux comédiens. Wybon confirme : « C’est vrai, il y a eu l’émergence de jeunes acteurs et actrices comme Sophie Marceau, Charlotte Gainsbourg, Béatrice Dalle, Sandrine Bonnaire, Bernard Giraudeau, Gérard Lanvin, Richard Anconina, Jean-Hugues Anglade, Christophe Lambert et bien d’autres. »

« Et à l’inverse, ce fut plus compliqué à l’époque pour Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, qui ont connu des difficultés à partir du milieu des années 1980, explique-t-il. Par exemple, Les Morfalous[1984], avec Bébel, marque pour la première fois un fléchissement dans sa carrière en faisant un million de spectateurs de moins que ses précédents films. Ce sera pire ensuite avec Hold-up [1985] et Le Solitaire [1987] qui sont des fours. Delon et Belmondo sont un peu poussés vers la sortie. »

Ultime question à Jérôme Wybon. Après les années 1970 et 1980, compte-t-il lancer, avec Studiocanal, une collection sur le cinéma français des années 1990 ? « Cela dépend du succès de “Nos années 1980” » répond l’intéressé. « Est-ce que le support physique existera encore d’ici là ? »

Collection « Nos années 80 ». 16,99 € chaque Blu-ray. Studiocanal. Titres prévus pour le 4 décembre : « Je vais craquer », « Tir groupé », « Pile ou face ». Titres prévus pour mars 2025 : « Le Grand Pardon », « Détective », « Téléphone public ».


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