« Pas de chiffre magique ». Quitte à décevoir, la cour des Comptes assume son incapacité à calculer les besoins financiers inhérents à l’adaptation au changement climatique : « Une politique multiforme, spécifique à chaque territoire, et qui ne relève pas exclusivement de leviers financiers », a justifié son Premier président Pierre Moscovici, le 12 mars lors de la présentation à la presse des deux volumes du rapport public annuel totalisant plus de 800 pages, centré cette année sur « l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique ».
Travail colossal
Pour ce travail qualifié de « colossal », l’institution a mobilisé 17 chambres, en métropole et outre-mer. Leurs analyses se déclinent dans les 16 chapitres centraux répartis en trois parties : l’horizon climatique, les impacts sur les infrastructures et sur la nature.
Central pour le secteur des travaux publics, le second thème a trouvé l’une de ses illustrations les plus éloquentes dans le domaine ferroviaire : aujourd’hui, les intempéries concourent à 20 % des retards. Avec une température augmentée de 4°C, ces incidents se multiplieraient à raison d’un facteur compris entre huit et onze, si aucune adaptation de l’infrastructure actuelle n’intervenait.
Logement à la traîne
Toujours dans le registre des impacts sur les constructions humaines, les magistrats financiers posent un diagnostic en demi-teinte sur le logement : « Les risques sont de mieux en mieux pris en compte dans le neuf, tandis que pour l’existant, on reste dans la réparation plutôt que dans l’adaptation », déplore le Premier président.
La cour des Comptes se montre particulièrement sévère sur « l’inexistence de l’adaptation dans la politique immobilière de l’Etat ». Le parc nucléaire n’échappe qu’en partie à un jugement similaire, compte tenu du manque d’anticipation de la raréfaction de la ressource hydrique.
Montagne : la cour persiste et signe
Vis-à-vis des collectivités visées dans plusieurs chapitres consacrés aux milieux naturels, Pierre Moscovici n’a pas manqué l’occasion de revenir sur les vives réactions suscitées par l’un des derniers rapports thématiques de la cour, consacré aux stations de ski. Il y voit la persistance de modèles de développement désormais obsolètes.
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La fabrication de neige de culture, dans des températures positives, figure en tête des exemples de « maladaptation » dénoncée par les magistrats. Dans le même registre, ces derniers stigmatisent les dépenses récurrentes des territoires côtiers dans le rechargement des plages de sable, inutile moyen de défense contre l’inexorable montée du trait de côte.
La finance verte reste à inventer
Avant les chapitres sur les infrastructures et l’environnement, le thème de la connaissance inspire aux magistrats financiers un plaidoyer pour le maintien de l’effort de recherche. Ils saluent l’excellence française dans les sciences climatiques et regrettent la modestie des moyens consacré à l’adaptation.
Le verdissement de l’offre bancaire laisse également à désirer. « Dans le foisonnement de produits, seuls 5 % présentent des impacts mesurables », cingle Pierre Moscovici.
Appel à l’intelligence collective
Le Premier président a volontairement gardé pour la fin de son exposé à la presse le message qui ramène au cœur de métier de la cour : sa lecture de « La situation d’ensemble des finances publiques » évoquée dans le premier chapitre du rapport.
Sans sortir de son rôle de vigile du retour sous la barre des 3 % de déficit public d’ici à 2027, Pierre Moscovici lance un appel à « l’intelligence collective » : « Raboter sur le vert, c’est ce qu’il ne faut pas faire », a-t-il déclaré, dans sa réponse à une question du Moniteur sur les incertitudes qui pèsent sur le plan de rénovation thermique des écoles, après les mesures d’économies budgétaires annoncées en février par le ministre de l’Economie.
Dépenses qualitatives
A quelques mois de l’adoption du troisième plan national d’adaptation au changement climatique, Pierre Moscovici a en revanche salué le tournant pris par la France en 2023, lorsqu’elle a fixé plus 4°C la barre thermique de l’adaptation à l’horizon 2100. « Mieux vaut une anticipation pessimiste, quitte à annoncer des bonnes nouvelles si elle ne se vérifiait pas », apprécie l’ancien ministre socialiste.
Le thème de l’adaptation climatique lui donne l’occasion de livrer l’une de ses convictions fortes : « La dépense publique doit passer d’une culture de la quantité à une culture de la qualité ».
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